Faire progresser le désarmement nucléaire : un défi et une opportunité pour l’Afrique et mon pays la RDC

Nous vivons une nouvelle période dangereuse. La sécurité mondiale ne cesse de se détériorer. Le nombre, la complexité et la létalité des conflits armés ont augmenté, avec de longues périodes d’une violence choquante au Moyen-Orient, en Afrique et en Asie du Sud. Le monde est surarmé et la paix sous financée (Ban ki-Moon, 2014). Les groupes armés prolifèrent et sont équipés d’armes puissantes. Les dépenses militaires mondiales et la course aux armements vont croissant, et les tensions caractéristiques de la guerre froide sont apparues dans un monde devenu plus complexe. 

L’existence d’armes nucléaires fait peser une menace constante sur le monde. Les états dotés d’armes nucléaires qui sont membre du TNP ont de mon point de vue et à en lire leurs obligations (article 6) échoué. De nouvelles menaces (comme l’intelligence artificielle, dans le cyberespace, …) commencent à façonner la vie des générations actuelles, dont la mienne la « Y », comme celle des générations futures. 

Les bombardements nucléaires sur le Japon n’ont pas marqué la fin de la Seconde Guerre mondiale, comme nous pouvons le lire encore dans les manuels d’histoire, mais plutôt le début d’une course aux armements nucléaires et d’une nouvelle ère, celle de la thanatocratie. Dans le monde multipolaire d’aujourd’hui, les dispositifs de contact et de dialogue entre les superpuissances qui contribuaient autrefois à désamorcer les tensions deviennent obsolètes. Face à cette nouvelle réalité, il est indispensable que le désarmement nucléaire soit placé au centre de nos actions et dans une vision commune qui mène vers l’abolition de ces armes inhumaines.

En août 2020, cela fera 75 ans que les villes de Hiroshima et de Nagasaki ont été détruites. Ces commémorations ne doivent pas être seulement réalisées en l’honneur des victimes, mais doivent aussi être l’occasion pour les Etats, et notamment africains, de s’engager davantage en faveur du désarmement nucléaire. A ce titre, s’agissant de mon pays la République Démocratique du Congo. Nous avons été et sommes au cœur de cette sombre page de l’histoire, puisque l’uranium de la première bombe atomique Little boy vient de nos mines. Je propose l’idée que les plus hautes autorités de l’Etat réalisent pour le 6 août 2020, une commémoration spéciale, à Kinshasa pour honorer les victimes des horreurs nucléaires, honorer la paix et la liberté et le désarmement nucléaire. Ce serait un magnifique projet de cohésion pour notre population et sa jeunesse.

Les Etats africains doivent faire progresser le désarmement avec une position commune en s’engageant de façon unanime à signer et ratifier le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN). Les conséquences humanitaires catastrophiques qu’aurait toute utilisation d’armes nucléaires constituent une menace pour les objectifs du développement durable (ODD) que notre continent essaye de réaliser. Il est temps qu’ils affirment leur attachement à l’engagement humanitaire et leur désir de faire du TIAN un axe prioritaire de leur politique étrangère et de défense. A ce jour, vingt-cinq pays africains ont signé ce traité et trois l’ont ratifié. Mon continent se trouve donc à un tournant. On ne le dira jamais assez, l’Afrique n’est pas un continent à part, détaché des autres, enfermé dans je ne sais quel isolement. Nous aussi, nous risquons d’être confronté aux conséquences humanitaires des armes nucléaires

Les dangers de la bombe, peuvent mener aux dangers des installations nucléaires civiles. il y a des installations nucléaires à l’Université de Kinshasa, précisément un réacteur (le premier d’Afrique en 1958), construit avec l’aide du gouvernement colonial belge et des Etats-Unis, puis un second mis en place en 1972. Ces installations sont à l’arrêt et ne fonctionnent plus depuis deux décennies, faute de moyens et en raison des manques de volonté politique. Cela ne les rend pas moins problématiques et dangereuses ; d’ailleurs ce site semble menacé par l’érosion avec des conséquences potentielles graves…

Je suis un jeune diplomate de la République démocratique du Congo et heureux de militer en faveur du désarmement. Pour changer les règles que nous imposent les puissances militaires, il faut absolument que soit mis en place de véritables programmes d’éducation sur le désarmement, dans les universités africaines et je dirai plus largement dans tous les Etats francophones. Si nous voulons que notre monde d’aujourd’hui se libère demain de cette prison des armes nucléaires, nous devons construire et travailler ensemble ces sujets à travers leurs différents aspects : droit, sécurité, économie, justice, environnement, éducation et bien sûr l’égalité Homme / Femme

M. Leonard She Okitundu, vice-premier ministre et ministre des affaires étrangères de la République démocratique du Congo au siège des Nations unies, New York, 20 septembre 2017
Crédit: Darren Ornitz/ICAN

Mon pays a signé le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires le 20 septembre 2017. L’Afrique bat au même rythme que le reste du monde face au danger nucléaire. Et le cœur de l’Afrique, bat, dans ma République démocratique du Congo vue sa position géostratégique. Mais, il n’est plus possible d’attendre. J’engage vraiment les parlementaires à se saisir de ce sujet à travers les commissions de la défense, des affaires étrangères et des lois. Terminons ce travail ensemble.

Il est temps que nos autorités politiques entendent les multiples appels (comme ceux réalisés via l’association REPOS ou du collectif « Cri de Secours contre la Prolifération des Armes légères en Afrique », CRISPAL-Afrique) qui ont été réalisés ces derniers mois par mes camarades. Le président de la république et le ministre des affaires étrangères doivent faire preuve du leadership et s’engager résolument dans l’action. Ratifions enfin ce traité.

Alors les congolais pourront s’élever vers les hauteurs de leur horizon commun. Cet horizon, c’est d’abord la paix et la sécurité car nous serons devenus tous ensemble des leaders, dans un pays plus fort, au cœur de mon beau continent et j’en suis persuadé, nous serons alors une locomotive régionale pour la paix, la stabilité et le développement durable.

 

 

 

Simabatu Mayele Sims Nono, mayelesimabatu(@)gmail.com, est un jeune diplomate de 34 ans et expert sur les questions liées au désarmement et sécurité internationale. Diplômé en Relations Internationales/option Politique Internationales de l’Université de Kinshasa. Il a travaillé comme responsable en charge de la mise en œuvre de la Convention et sur l’Assistance et Protection contre les Armes Chimiques et Membre de l’Autorité Nationale, CIAC/RDC. Il a travaillé également comme expert sur les questions liées au Désarmement et Sécurité Internationale au Ministère de l’Intérieur, Sécurité et Décentralisation pour le compte du Comité National du Désarmement et sécurité internationale. Il est également responsable de la commission désarmement, paix et sécurité de l’ASBL Renouveau pour l’émergence de la paix et l’ordre sociale (REPOS) et fondateur du Centre de recherche et d’information pour le désarmement et sécurité (CRISD) ; une plate-forme d’actions informations, sensibilisation et éducation pour promouvoir le désarmement et développement durable. 

 

Ce texte fait partie du projet « Génération Y : on vous écoute »  lancé le 18 mai 2020 par ICAN France.

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