Alors qu’en octobre dernier, 155 pays exigent d’une seule voix que « tout soit fait pour mettre fin à la menace que les armes nucléaires représentent pour l’humanité » et que 44 d’entre eux appellent déjà à soutenir la négociation d’un traité d’interdiction totale de ces armes, le discours du Président Hollande sur la dissuasion nucléaire ce jeudi à Istres — prendra-t-il en compte l’exigence croissante de la communauté internationale de créer un monde libre des armes nucléaires ?
ICAN France regrette l’obstination de François Hollande et de son gouvernement à maintenir une politique de dissuasion nucléaire dont on voit mal comment elle répond aux défis posés à la sécurité mondiale actuelle. Bien au contraire, dans un monde extrêmement instable, la modernisation en cours par les États nucléaires de leurs arsenaux ajoute une menace supplémentaire à la sûreté de l’humanité.
« Un nombre croissant de pays souhaite combler le vide juridique qui existe pour interdire les armes nucléaires, à l’image des autres armes de destruction massive » déclare Sylvie Brigot-Vilain, membre du Comité de pilotage d’ICAN France. Le discours d’Istres sera-t-il l’occasion d’annoncer quelles mesures la France envisage de prendre pour respecter son engagement de « poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmement nucléaire », selon l’article VI du Traité de non-prolifération ? Une condition indispensable pour établir la confiance entre les nations et assurer une véritable sécurité pour les populations.
En dépit des propos de François Hollande lors de sa conférence de presse du 5 février, le débat sur la dissuasion nucléaire n’a jamais été ouvert en France. Certes, la Commission de la défense de l’Assemblée nationale a organisé une série d’auditions en 2014, mais seuls 3 opposants ont été auditionnés contre… 21 partisans ! Et, de plus, les auditions n’ont pas été suivies d’un débat parlementaire… De même, le débat sur la pertinence ou non de la dissuasion nucléaire avait été exclu de la mission confiée à la commission chargée en 2013 d’élaborer le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale…
« Alors que nous allons bientôt commémorer le 70eme anniversaire des bombardements d’Hiroshima et Nagasaki, nous attendons l’annonce qu’un débat public s’ouvre sur les armes nucléaires et leurs conséquences » déclare Patrice Bouveret, directeur de l’Observatoire des armements, également membre du Comité de pilotage d’ICAN France. « Nous espérons également que François Hollande annoncera des mesures en faveur des victimes des essais nucléaires qui n’arrivent toujours pas à obtenir reconnaissance et indemnisation, 55 ans après l’explosion de la première bombe française dans le Sahara algérien. »
Alors que la troisième conférence sur l’impact humanitaire des armes nucléaires, à Vienne en décembre dernier, à laquelle participaient 158 États, a permis d’apporter des éléments nouveaux sur les risques liés aux armes nucléaires, de reposer la question de leur compatibilité avec le Droit international humanitaire et de soulever les lourdes questions éthiques et morales que posent l’existence et la détention de ces armes, la France, par son attitude, encourage la légitimité des États à vouloir détenir des armes nucléaires, donc potentiellement à les utiliser. Ainsi augmentent également les risques d’utilisation accidentelle ou de détournement par d’autres acteurs.
François Hollande saura-t-il enfin reconnaitre sa responsabilité d’engager la France dans une voie nouvelle afin de créer les conditions d’un monde sans armes nucléaires ?