J’ai souvent été encouragée à écrire sur le sujet du désarmement nucléaire, mais j’ai encore plus souvent reçu des critiques : « je crains que cette interpellation de grand esprit ne soit qu’une épée dans l’eau, une paperasse antinucléaire de plus … ». Il convient de souligner qu’il n’est jamais de trop lorsqu’il s’agit de militer pour une bonne cause et que l’inaction est la pire des solutions. À ce titre, pour A. Einstein « le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire ». Mon désir le plus ardent est de voir le monde se débarrasser des armes nucléaires.
Chers tous, les effets désastreux et dévastateurs de la bombe atomique ne sont plus à démontrer et cette réalité a fait de moi une avocate résolue du désarmement nucléaire général et complet. Je suis heureuse de voir que la jeunesse de mon pays, la République Démocratique du Congo (RDC), porte ce sujet, à l’image de la récente contribution de Simabatu Mayele Sims nono : « Faire progresser le désarmement nucléaire : un défi et une opportunité pour l’Afrique et mon pays la République Démocratique du Congo ».
Nous avons perdu assez de temps avec l’arme nucléaire, il est temps d’y mettre fin !
Alors que la communauté internationale poursuit l’objectif d’un monde affranchi de l’arme nucléaire, ceci notamment par la mise en place du Traité sur l’Interdiction des Armes Nucléaires (TIAN) ; persuader les puissances nucléaires de l’impératif du désarmement total et absolu est un défi majeur. Ces puissances et leurs alliés ont adopté une position commune consistant à rejeter les résultats des négociations concernant ledit traité pour maintenir leurs politiques de sécurité et de défense qui reposent sur la dissuasion nucléaire.
Concernant cette doctrine, il a été démontré qu’elle représente par plusieurs aspects une menace alarmante pour l’avenir de l’humanité. Cette doctrine très contestable et dépourvue de la morale la plus élémentaire a entraîné l’absence d’un véritable processus de désarmement nucléaire avec des propositions concrètes et un plan d’action de la part des Etats nucléaires. De plus, la dissuasion alimente la prolifération nucléaire, elle est donc incompatible avec les obligations juridiques internationales (notamment le droit international humanitaire), encourage par la menace d’usage d’arme nucléaire à réaliser un crime contre l’humanité et contredit l’engagement de ces Etats à désarmer.
Même si une formule extraordinairement vague, pour fixer le délai des négociations relatives au désarmement, a été utilisée dans l’article VI du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP), nous aimerions avoir une réponse de la part des Etats nucléaires : comment comprenez-vous « date rapprochée » ? 50 ans après l’entrée en vigueur du TNP, n’est ce pas suffisamment « rapprochée » ?
L’article VI du TNP prévoit une double obligation juridique, d’une part de comportement (négocier de bonne foi) et d’autre part de résultat précis (conclure un traité de désarmement nucléaire). Les Etats dotés d’armes nucléaires sont donc juridiquement contraint à parvenir au désarmement nucléaire dans toutes ses formes, par l’adoption d’un comportement déterminé à savoir la poursuite de bonne foi et sans équivoque des négociations.
Ces Etats doivent comprendre qu’au moment où ils ont ratifié le TNP, ils ont accepté d’être liés et par voie de conséquences obligés d’exécuter ce traité. C’est ce qu’exprime l’article 26 de la Convention de vienne sur le droit des traités. En ratifiant ce traité, ils ont donc accepté de s’autolimiter1. Ainsi, ils doivent arrêter de considérer les obligations de désarmement comme des engagements secondaires qui doivent être respectés selon leur propre convenance. En outre, en rejetant le TIAN que proposent-ils de concret, à part moderniser et renouveler leurs arsenaux nucléaires ?
L’adoption du TIAN est un progrès considérable et une lueur d’espoir pour la communauté internationale. La négociation de ce traité a permis au principe de bonne foi et à la règle pacta sunt servanda : « les conventions doivent être respectées» de trouver leur place dans l’application de l’article VI du TNP. Ce dernier avait besoin d’être complété pour voir ses piliers désarmement et non-prolifération nucléaires être pleinement réalisés.
J’exhorte les Etats et particulièrement mon pays, la RDC, à mobiliser ses services autour de ce texte pour le ratifier rapidement et faire partie des 50 premiers Etats à avoir rendu possible la création de cette norme qui délégitimise la possession d’armes nucléaires. En réalisant cette ratification à une date symbolique comme celle du 06 août 2020, au-delà de ses problèmes internes, la RDC montrerait au monde entier qu’elle est un Etat responsable qui pense à son peuple et à l’avenir de ses générations futures. Ce serait pour elle la meilleure manière de rendre hommage aux victimes d’Hiroshima et de Nagasaki, vu son implication historique sur la fabrication de cette arme de destruction massive.
Christella Motandi Adouma, christellamotandi7(@)gmail.com de Kinshasa, Licencié en droit public international de l’Université de Kinshasa, autrice du livre « Le rôle des Etats détenteurs d’armes nucléaires dans la crise du TNP », publié aux Editions Universitaires Européennes en 2016, a participé à la ICAN Académie Francophone (octobre 2018) et a cette occasion plaidé au cours d’un entretien avec l’Agence de presse congolaise, pour la ratification par son pays du traité sur l’interdiction des armes nucléaires. Actuellement, elle est responsable risque douane chez Bolloré RDC.
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