Des scientifiques en climatologie mettent en garde contre une catastrophe humanitaire mondiale, si était réalisé un échange nucléaire limité entre l’Inde et le Pakistan.
Des études publiées il y a déjà plus d’une dizaine d’années ont montré qu’une guerre nucléaire entre l’Inde et le Pakistan mobilisant 100 bombes de la puissance de celles utilisées sur Hiroshima et ciblées sur des centres industriels-urbains entraînerait la mort de 22 millions de personnes en moins d’une semaine. Les incendies déclenchés par ces armes causeraient des perturbations mondiales du climat entrainant une famine qui mettrait deux milliards de personnes en danger
Une nouvelle étude dans Science Advances (réalisée notamment par : Owen B. Toon, Alan Roboc, Lili Xia, Hans Kristensen, Matthew McKinzie, R. J. Peters) met à jour ces données et présente ce qu’il arriverait en cas de guerre nucléaire dans un présent ou futur proche, avec aujourd’hui des arsenaux nucléaires indiens et pakistanais plus important. Les informations révélées par cette étude sont profondément troublantes et soulignent le besoin impératif d’éliminer les armes nucléaires.
L’étude examine un scénario où l’Inde utiliserait 100 ogives nucléaires sur des cibles urbaines au Pakistan et le Pakistan 150 sur des cibles urbaines en Inde, et analyse l’amplitude des conséquences selon la taille des armes utilisées.
Si toutes les ogives étaient de puissance équivalente à celles utilisées sur Hiroshima, soit 15 kilotonnes et donc aujourd’hui relativement petites, 50 millions de morts résulteraient directement des explosions, incendies et effets de radiation immédiats. Si les ogives étaient de 50 kt de puissance, le bilan serait de 100 millions de morts, et avec des armes de 100 kt, le total atteindrait les 125 millions de morts.
Les effets sur le climat de la planète seraient encore plus catastrophiques.
- Une guerre nucléaire avec des armes de seulement 15 kt aurait pour conséquence une diminution de 3ºC de la température moyenne globale de l’air en surface.
- Dans l’option d’utilisation d’ogive de puissance de 50 kt, cela entrainerait une diminution de 4,5°C.
- Enfin, si ces armes avaient une puissance de 100 kt, la température s’abaisserait de 5,5°C.
La baisse en température serait beaucoup plus sévère sur les masses continentales que sur les océans et il y aurait des différences régionales importantes. Par exemple, dans le cas d’une guerre à armes de 50 kt, la baisse de température dans la plupart de l’Amérique du Nord et de l’Eurasie serait d’environ 10ºC, soit deux fois la moyenne globale.
Parallèlement, ce refroidissement global entrainerait des baisses des précipitations importantes puisque des températures plus froides ne permettraient pas à l’eau de s’évaporer des océans et de revenir sous forme de pluie ou de neige. Le déclin global en précipitations serait de 20% dans une guerre avec des armes de 15 kt, et dépasserait 30% avec des armes de 100 kt.
L’étude n’examine pas en détail les effets sur les récoltes individuelles mais examine l’impact sur la productivité primaire nette (PPN), c’est-à-dire la quantité totale d’énergie solaire convertie en croissance des plantes par photosynthèse. La PPN océanique diminuerait de 10% après une guerre réalisées avec des armes de 15 kt et e d20% avec des armes de 100 kt. La PPN continentale diminuerait de 15 à 30% en moyenne, avec un déclin de 50% dans certaines régions d’Amérique du Nord et de l’Eurasie. Il en résulterait une grave perturbation des écosystèmes et une diminution désastreuse de la production alimentaire. L’impact sur les sur les approvisionnements alimentaires serait beaucoup plus sévère que prévu par les études précédentes, qui montraient déjà que deux milliards de personnes seraient menacées par une famine nucléaire mondiale
Les études originales d’une guerre nucléaire limitée et et d’une famine nucléaire ont largement été passées sous silence par les Etats disposant d’armes nucléaires. Des Etatsqui continuent de fonder leur politique de sécurité nationale sur l’hypothèse qu’ils peuvent maintenir indéfiniment leurs arsenaux nucléaires et que rien ne tournera jamais mal. Le monde ne peut plus se permettre d’ignorer cette nouvelle étude.
De nombreux experts en sécurité à travers le monde nous avertissent de l’augmentation du risque de guerre nucléaire. Il y a déjà eu de nombreux cas où des Etats armés ont commencé à initier le processus de lancement d’armes nucléaire croyant qu’ils étaient attaqués. Dans ces cas, les guerres nucléaires n’ont pas été évitées grâce à des technologies infaillibles, ou grâce à des dirigeants avisés, ni à cause de politiques nucléaires sensées, mais simplement car, pour reprendre les mots de l’ancien Secrétaire à la Défense des États-Unis Robert McNamara, « On a été chanceux… c’est la chance qui a prévenu une guerre nucléaire ». La politique nucléaire actuelle n’est essentiellement rien d’autre qu’un espoir de chance.
Un mouvement international croissant exige des changements fondamentaux dans la politique nucléaire. Elle rejette l’idée que la « dissuasion nucléaire » est un système stable qui garantira que les armes nucléaires ne seront jamais utilisées. Et il rejette l’idée que les armes nucléaires nous rendent plus sûrs, reconnaissant qu’en fait, les armes nucléaires représentent la plus grande menace immédiate pour l’humanité.
En 2017, en partie en réponse à des recherches antérieures réalisée par ces mêmes scientifiques, 122 Etats ont voté pour l’adoption du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN). Ce traité des Nations Unis interdit la production, le développement, le transport, la menace d’emploi, le financement et la possession d’armes nucléaires. Le TIAN entrera en vigueur lorsque 50 Etats l’auront ratifié – au 26 septembre 2019, déjà 32 Etats ont réalisé ce processus – créant une nouvelle norme internationale contre ces armes.