La Troisième réunion des États parties au Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) – qui s’est tenue du 3 au 7 mars 2025 au siège des Nations unies – s’est achevée avec un résultat ferme et clair, dans cette période de peur et de panique générale : le rejet unifié par l’ensemble des États parties et signataires des armes nucléaires et de la théorie de la dissuasion nucléaire. La déclaration finale affirme ainsi que la dissuasion nucléaire « repose sur l’existence même du risque nucléaire, qui menace la survie de tous » et condamne « toute rhétorique ou action qui porte atteinte au tabou mondial » des armes nucléaires.
Une feuille de route pour le démantèlement de la dissuasion nucléaire et le désarmement nucléaire !
Avec cette déclaration adoptée à l’unanimité, les États rappellent au monde qu’il existe une alternative viable et solide à la course effrénée à l’instabilité mondiale : l’élimination totale des armes nucléaires par le biais du TIAN.
À travers 40 points, les États parties réaffirment leur « détermination inébranlable à faire face à la menace existentielle que les armes nucléaires font peser sur l’humanité » (§ 1). Rappelant en cette ère d’incertitude géopolitique, que « le droit international et la coopération multilatérale, tout comme l’architecture de désarmement et de non-prolifération sont mis à mal » (§ 7). Le TIAN apparaît comme « une lueur d’espoir en ces temps troublés » (§ 3).
La déclaration souligne que toute utilisation ou menace d’utilisation d’armes nucléaires « viole le droit international, y compris la Charte des Nations Unies », et est « contraire au droit humanitaire international ». En effet, en aucun cas il n’apparaît possible qu’un emploi volontaire d’arme nucléaire puisse respecter les principes complémentaires (principe de précaution, de proportionnalité et de distinction) du droit international humanitaire.
Outre la condamnation « sans équivoque de toute menace nucléaire, qu’elle soit explicite ou implicite, et quelles que soient les circonstances » (§ 27), les États parties ont tenu à affirmer que « les armes nucléaires constituent une menace pour la sécurité et, en fin de compte, pour l’existence de tous les États, qu’ils possèdent des armes nucléaires, qu’ils souscrivent à la dissuasion nucléaire ou qu’ils s’y opposent fermement » (§ 24). Enfin, ils ont souligné que « les tentatives visant à perpétuer le maintien des armes nucléaires ont un impact négatif sur la non-prolifération et les progrès vers le désarmement nucléaire » (§24).
Mais la force de cette déclaration tient principalement dans sa volonté d’affirmer que « la dissuasion nucléaire repose sur l’existence même du risque nucléaire, qui menace la survie de tous » (§ 24). À l’heure où la France mène une bataille en faveur d’une culture nucléaire élargie au niveau de l’Europe, les États du TIAN eux persistent dans le « rejet de toute tentative de normalisation de la rhétorique nucléaire et de toute notion de comportement soi-disant « responsable » en ce qui concerne les armes nucléaires » (§ 29). Cet appel, à devenir réaliste est poursuivi avec la condamnation de « toute rhétorique ou action qui porte atteinte au tabou mondial sur les essais nucléaires, y compris comme moyen de renforcer le caractère fallacieux de la dissuasion nucléaire. (§ 19) ».
- À ce titre, cette Troisième réunion a vu pour la première fois se réaliser des échanges ouverts entre diplomaties, concernant les préoccupations des États en matière de sécurité. Un débat basé sur le rapport (disponible en version française) publié par l’Autriche et qui a pour objectif de « remettre en cause le paradigme de sécurité fondé sur la dissuasion nucléaire ».
La déclaration réaffirme reconnaître les victimes des explosions d’armes nucléaires et de « lutter contre les effets néfastes de l’utilisation et des explosion » en appliquant d’une part les obligations positives (articles 6 et 7) et d’autre part en mettant en œuvre un futur « Fonds international d’affectation spéciale pour l’assistance aux victimes et l’assainissement de l’environnement des conséquences de l’utilisation et des essais nucléaires ».
Un second document clé a été publié, contenant une série de recommandations détaillées sur la manière dont les États parties au TIAN vont agir pendant la période d’intersession (notamment pour la mise en œuvre du traité, sur la mise en place du Fonds international) d’ici la première Conférence d’examen (ReCo) du TIAN qui se déroulera du 30 novembre au 4 décembre 2026, sous la présidence Sud-africaine, au siège des Nations unies.
À retenir :
- 86 États ont participé à la réunion en tant qu’États parties (55) ou observateurs (31), ainsi que 9 organisations internationales (dont la Commission préparatoire du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, l’Agence internationale de l’énergie atomique, la Commission africaine de l’énergie nucléaire et le Comité international de la Croix-Rouge). La réunion a également bénéficié de la participation active d’un millier de représentants de 163 organisations de la société civile, dont ICAN France ;
- Des parlementaires d’États nucléaires ont dans une déclaration indiquée ne pas vouloir se « fier à la dissuasion nucléaire comme stratégie de sécurité ». Fonder la sécurité nationale sur une menace constante et crédible d’utilisation effective d’armes nucléaires revient à jouer imprudemment avec la survie de l’humanité » et sont « engagés à renforcer le soutien au TIAN » ;
- La moitié de la planète est aujourd’hui favorable au Traité sur l’interdiction des armes nucléaires et s’oppose à cette escalade dangereuse de la rhétorique nucléaire en Europe et en Asie ;
- Les États rejettent la dissuasion nucléaire dans les termes les plus forts jamais entendus depuis des décennies : « la dissuasion nucléaire repose sur l’existence même du risque nucléaire, qui menace la survie de tous » ;
- La conférence a mis l’accent sur les menaces humanitaires que représente tout recours aux armes nucléaires et sur la menace permanente que représente leur existence même en l’absence d’utilisation ;
- En cette année des 80e commémoration des destructions d’Hiroshima et de Nagasaki ou disparurent près de 38 000 enfants, pour la première fois, une déclaration liée à un traité sur les armes nucléaires reconnaît la vulnérabilité particulière des nourrissons et des enfants aux effets des armes nucléaires ;
- La prochaine étape pour le TIAN sera sa première conférence d’examen, en novembre 2026, présidée par l’Afrique du Sud.