Le dernier Comité préparatoire à la Conférence d’examen 2015 du Traité de non-prolifération (TNP) à l’ONU s’ouvre aujourd’hui (28 avril au 9 mai). Tensions et frustrations sont à l’ordre du jour, devant l’absence d’initiatives concrètes des États dotés d’armes nucléaires et le non-respect de leurs engagements.
Ce troisième PrepCom, réunissant 190 États, est crucial pour l’avenir du TNP, souvent qualifié de pierre angulaire des traités de contrôle et de limitation des armements nucléaires. Évidemment, il y a des difficultés comme l’absence de progrès concrets sur la mise en œuvre d’une conférence pour une zone exempte d’armes nucléaires et de destruction massive au Moyen Orient et sur les craintes de prolifération de certains États. Mais son futur peut être désormais clairement mis en cause par le non-respect des engagements souscrits par les États dotés de l’arme nucléaire (P5), dont la France fait partie.
Le Comité préparatoire examinera les engagements du Plan d’Action élaboré en 2010 et accepté par le P5 et les autres États, qui regroupe un total de 64 actions, dont 22 sur le désarmement nucléaire. Ce sont ces points qui suscitent la plus grande attente de la part des 185 États qui ne disposent pas d’armes nucléaires. L’attention se concentrera plus précisément sur l’actions n° 5 qui engagent le P5 « à accélérer les progrès concrets sur les mesures tendant au désarmement nucléaire et à faire un rapport en 2014 au Comité préparatoire sur ces mesures »[1].
Il est à craindre que ce rapport ne soit pas au rendez-vous étant donné les positions, les progrès techniques et les investissements réalisés par ces puissances depuis 2010. Concernant la France, sa politique de défense repose uniquement sur la dissuasion nucléaire. Aucune nouvelle action de désarmement n’a été faite depuis 2010, des ressources budgétaires sont d’ores et déjà allouées pour poursuivre la modernisation des missiles balistiques M51, pour la rénovation à mi-vie du missile de croisière ASMP-A, comme pour définir son successeur. Des actions qui remettent pleinement en cause la parole donnée en 2010.
Cette absence de volonté politique vient contraster avec les dynamiques mises en place notamment à travers les deux dernières Conférences sur l’impact humanitaire des armes nucléaires (Oslo, mars 2013 ; Nayarit/Mexique, février 2014) où le P5 fut absent à chaque fois, les qualifiant de « distraction ». L’Autriche va poursuivre cette dynamique en organisant une troisième conférence pour la fin de cette année « pour d’atteindre les objectifs du TNP », comme l’a précisé son Ministre des Affaires Étrangères, preuve de sa volonté de sauver ce traité.
Grâce à ces nouvelles initiatives, le TNP n’est plus l’horizon indépassable du désarmement nucléaire, en panne depuis des années avec sa stratégie dite « étape par étape » ; c’est-à-dire parvenir à la mise en œuvre en premier du traité d’interdiction des essais nucléaires, puis du traité d’interdiction des matières fissiles avant d’entamer un processus complet de désarmement nucléaire. Un nombre croissant de gouvernements, de grandes organisations internationales et la société civile regroupée dans la campagne ICAN, proposent de commencer des négociations en vue d’un traité d’interdiction des armes nucléaires pour compléter le TNP.
L’offre autrichienne doit être comprise par la France comme un atout pour sauver le TNP, assurant ainsi la sécurité de ses concitoyens. En annonçant qu’elle lance une réflexion sur une possible participation –comme viennent de le faire les États-Unis – à cette conférence, assorti d’une volonté d’actions politiques et techniques d’agir pour un monde libéré des armes nucléaires, la France pourrait contribuer à sauver le TNP et à débloquer 70 ans d’impasse vers l’élimination des armes nucléaires.
[1] *Cette action leur demande de s’engager sur la question « de la réduction globale des stocks; des armes nucléaires tactiques «partagées»; de la diminution du rôle des armes nucléaires dans les politiques de sécurité ; d’empêcher la fabrication des armes nucléaires et de progresser vers leur élimination ; de réduire l’état d’alerte opérationnel des armes nucléaires; de réduire le risque d’utilisation accidentelle et de favoriser la transparence et la confiance mutuelle. »