Le 7 juillet 2017, 122 États ont adopté le traité sur l’interdiction des armes nucléaires. Cela représente une avancée historique dans les efforts de désarmement nucléaire et le « début de la fin des armes nucléaires » comme l’a souligné Setsuko Thurlow (survivante du bombardement atomique d’Hiroshima) dans son discours de clôture. On décortique pour vous le contenu du traité, les prochaines étapes, et quel sera son impact.
Que prévoit le Traité?
- Une interdiction complète des armes nucléaires et des activités associées. Il sera illégal pour des États parties d’entreprendre toute activité liée aux armes nucléaires. Il interdit l’utilisation, le développement, les essais, la production, la fabrication, l’acquisition, la possession, le stockage, le transfert, la menace d’utilisation, l’implantation, l’installation, ou le déploiement d’armes nucléaires. [Article 1]
- Une interdiction de toute assistance à des activités interdites. Ce qui doit être interprété comme l’interdiction pour les États de prendre part à des préparatifs et à la planification d’utilisation d’armes nucléaires, de financer leur développement et leur fabrication, ou de permettre leur transit dans les eaux territoriales ou l’espace aérien. [Article 1]
- La création d’une voie pour les États ayant des armes nucléaires adhérant au traité afin d’éliminer leurs armes, leurs stocks et leurs programmes. Il impose aux États ayant des armes nucléaires qui adhèrent au traité de retirer ces dernières de leur état opérationnel et de les détruire ainsi que leur infrastructure, en suivant un plan qu’ils auraient préalablement soumis pour accord. Il impose également aux États accueillant des armes nucléaires d’autres États sur leur territoire de les enlever. [Article 4]
- La vérification et la garantie, ce traité repose sur un régime de vérification fortement influencé par les dispositions correspondantes au Traité de non-prolifération nucléaire (TNP). Le traité exige la destruction vérifiable, transparente, irréversible des armes nucléaires et de leurs infrastructures selon un calendrier précis et exige le maintien et/ou la mise en œuvre d’accords internationaux de garanties. Le traité permet que les garanties se renforcent au fil du temps et interdit l’affaiblissement du régime de garanties. [Articles 3 et 4]
- Le besoin d’une aide internationale, de l’assistance aux victimes, et de la réhabilitation de l’environnement. Le traité prévoit que les États assistent les victimes de l’utilisation et des essais des armes nucléaires, ainsi que la réhabilitation de l’environnement des zones contaminées. Le traité oblige également les États à fournir une aide internationale pour soutenir la mise en œuvre du traité. Le traité exige que les États y adhèrent, et encouragent les autres États à en faire de même. Enfin le traité prévoit que les États se réunissent régulièrement pour examiner les progrès réalisés. [Articles 6, 7, et 8]
Etapes
- Ouverture à la signature. Le traité sera ouvert à la signature le 20 septembre aux Nations unies à New York. [Article 13]
- Entrée en vigueur. Cinquante États doivent avoir ratifié le traité pour qu’il entre en vigueur. Au niveau national, le processus de ratification diffère d’un État à l’autre, mais nécessite généralement l’accord du parlement et l’élaboration d’une législation nationale afin d’intégrer les obligations dans la loi du pays. Ce processus est également l’occasion d’élaborer des mesures additionnelles, telle que l’interdiction de financer des armes nucléaires. [Article 15]
- Première réunion des États Parties. La première réunion des États parties se tiendra un an après l’entrée en vigueur du Traité. [Article 8]
Signification et impact
- Délégitimer les armes nucléaires. Ce traité indique clairement que la majorité du monde n’accepte plus les armes nucléaires et ne les considère plus comme des armes légitimes, établissant ainsi la base pour une nouvelle norme et de nouveaux comportements internationaux.
- Changer les comportements des États parties et non partie. Comme cela a été le cas pour des interdictions précédentes d’armes, changer les normes internationales a mené à des changements concrets dans les politiques et les comportements, même dans les États non partie au traité. Cela s’applique aussi bien aux traités interdisant les armes à sous-munitions et les mines antipersonnel qu’à la Convention sur le droit de la mer. L’interdiction d’assistance joue un rôle significatif dans le changement des comportements de par l’impact qu’elle peut avoir sur le financement, ainsi que les préparatifs et la planification militaire pour l’utilisation d’armes nucléaires.
- Compléter les interdictions relatives aux armes de destruction massive. Le traité complète le travail débuté dans les années 1970, quand les armes chimiques ont été interdites, et dans les années 1990 quand les armes biologiques ont été interdites.
- Renforcer le droit international humanitaire (« droit de la guerre »). Les armes nucléaires sont destinées à tuer des millions de civils –non-combattants– une violation grave du droit international humanitaire. Rares sont ceux qui considèrent que le massacre de masse de civils est acceptable, et il n’existe aucune façon pour utiliser des armes nucléaires en accord avec le droit international. Le traité renforce ce corpus de lois et de normes.
- Enlever le prestige associé à la prolifération. Les pays cherchent souvent à acquérir des armes nucléaires pour le prestige associé à faire partie d’un club important. Faire que les armes nucléaires soient clairement vues comme un objet de mépris, plutôt qu’un symbole de réussite, permettra de dissuader leur prolifération.
Pour aller plus loin :
- Bouveret Patrice, Collin Jean-Marie, Interdire les armes nucléaires, note de la Fondation pour l’Ecologie politique, 2019
- Collin Jean-Marie, le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, rapport du GRIP, 2018