« Le vrai problème de l’affaire des sous-marins australiens est l’engagement des États à s’affranchir du Traité de non-prolifération ! »

Les mouchoirs ont été de sortie en France suite à la remise en cause, le 15 septembre, du « contrat du siècle » qui devait permettre à Paris de vendre à Canberra un total de douze sous-marins de type Barracuda à propulsion conventionnelle. Pour des raisons politico-militaires, l’Australie a décider de se doter finalement de huit sous- marins à propulsion nucléaire, fournit par les États-Unis et le Royaume-Uni. Ce contrat vient mettre en lumière un triple problème dont les législateurs français devraient, à l’aube de l’ouverture de la 10e conférence d’examen (RevCon) du Traité sur la non-prolifération nucléaire (4-28 janvier 2022, ONU, New York), s’emparer pour renforcer la sécurité internationale. (Une analyse publiée dans la Lettre d’information parlementaire sur le désarmement et la non-prolfération, n°4, octobre 2021 )

Affaiblissement du régime de non-prolifération

Le TNP est déjà très affaibli par l’attitude des États dotés d’armes nucléaires qui modernise et renouvelle l’ensemble de leur arsenaux nucléaires, à l’image de ce que réalise la France à travers ses programmes SCAF, SNLE3G, TNO-2, ASN4G. Pékin et Londres ont également officialisé en 2021 l’augmentation de leurs arsenaux ; le second remettant ainsi en cause sa poli- tique de désarmement prônée depuis les années 2000. Cette absence générale de « bonne foi » (pourtant présente dans l’article 6) en faveur du désarmement nucléaire, s’ajoute au non respect et à la non application des 22 mesures sur le désarme- ment nucléaire adoptées en 2010, dans le Document final de la 9e RevCon, par ces 5 États dotés de l’arme nucléaire (EDAN).

Désormais, à ces coups portés à la pierre angulaire du régime de non-prolifération par des EDAN, un État non doté, l’Australie, engage ouvertement une rupture de l’esprit du TNP. Si ce traité n’interdit pas le transfert de technologie nucléaire à des fins civiles entre État doté et non doté (article 3), nous pou- vons constater que la technologie transférée (de l’uranium hautement enrichi pour le fonctionnement des réacteurs des SNA) est réalisée à des fins militaires. Si rien n’est inscrit dans le TNP concernant un droit à la propulsion nucléaire, cela montre une nouvelle fois les limite de ce texte dont les auters n’imaginaient pas que de sÉtats pouvainet souhaiter ce traansfert de technologies. Cette vente à l’Australie crée un précédant qui pourraient inciter — malgré la complexité — d’autres États à se lancer dans une course à la propulsion nucléaire et peut-être de façon cachée aussi à la bombe...

Relance de la course aux armements

Selon le Sipri (Stockholm International Peace Research Institute), les dépenses militaires mondiales en 1999 se sont éle- vées à 780 milliards de dollars et à 1 917 mds $ en 2019. Les « dividendes de la paix » n’ont donc jamais existé. La course aux armements a toujours été présente, les États poursuivant une amélioration à la fois qualitative et quantitative de leurs arsenaux. La vente de SNA à l’Australie, peu importe qu’elle soit réa- lisée par Paris, Londres ou Washington, alimente une course aux armements régionale (et par effet domino mondiale) avec la Chine et elle suscite des convoitises militaires technologiques nouvelles de la part de l’Inde ou de la Corée du Sud.

La France ne doit pas — puisque le rubicond de transfert de sous-marins nucléaires a été franchi par les États-Unis —, dans les négociations en cours avec New Delhi sur des SNA, réfléchir uni- quement en terme d’économie, d’emploi et de baisse de coût de production unitaire de ses futures exemplaires de la classeBarracuda, mais penser avant tout en terme de conséquences pour la sécurité internationale qu’une telle vente entrainerait.

Atteinte au fondement même du TNP

Le législateur français doit tout mettre en œuvre pour sauve- garder ce traité. Cette sauvegarde ne peut se faire qu’à la condition de concevoir la non-prolifération et le désarmement que comme une seule et même action et de ne pas encoura- ger de diffusion de technologies « à des fins civiles » vers des programmes à l’issue militaire. En cela l’annonce de la production — avec la probable volonté d’exporter cette technologie — de futur réacteur modulaire (comme celui proposé par DCNs avec son concept Flexblue) pose également un risque de prolifération qui ne doit pas être écarté.

Lire également : « La prolifération nucléaire est de retour – Quand les États-Unis et l’Australie violent le TNP « . Un appel commun des organisations : Abolition des armes nucléaires/maison de la vigilance, Association des médecins français pour la prévention de la guerre nucléaire, Initiatives pour le Désarmement Nucléaire, ICAN France, Mouvement de la Paix, Mouvement pour une alternative non violente, Pugwatch France, Observatoire des armements.

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