La seconde réunion des États signataires du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) s’est déroulée du 27 novembre au 1er décembre, à New York. Elle a montré l’importance du multilatéralisme pour assurer la sécurité internationale et renforcer l’architecture des accords de contrôle des armements.
En quoi consiste le TIAN ?
Le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN), adopté le 6 juillet 2017 est, depuis son entrée en vigueur le 22 janvier 2021, une nouvelle norme de droit international. Comme le mentionne le préambule de ce premier traité multilatéral du XXIe siècle sur une arme de destruction massive, il est « nécessaire [pour les Etats parties] d’éliminer complètement ce type d’arme, seul moyen de garantir que les armes nucléaires ne soient plus jamais utilisées, quelles que soient les circonstances », en raison des « conséquences catastrophiques sur le plan humanitaire qu’aurait tout recours aux armes nucléaires ». Ratifié par 69 États et signé par 93, ce jeune traité entame sa vie juridique avec pour objectif, comme toute règle de droit, son universalisation et sa pleine mise en œuvre.
C’est dans cette optique que du 21 au 23 juin 2022, les États, organisations internationales et ONG (réunis en grande partie sous la bannière de la Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires, ICAN) se sont réunis lors d’une première réunion des États parties (ou First meeting of States parties, 1MSP) aux Nations unies à Vienne. Cette 1MSP s’est conclue par une volonté ferme d’agir, comme le souligne la déclaration dite de Vienne : « Nous n’aurons pas de repos jusqu’à ce que le dernier État ait adhéré au Traité, que la dernière ogive ait été démantelée et détruite et que les armes nucléaires aient totalement disparu de la Terre. » À ce titre, un plan d’action comprenant 50 mesures est adopté avec la création de trois groupes de travail chargés de faire avancer les actions liées à l’article 4, portant sur l’élimination des armes nucléaires, aux articles 6 et 7, portant sur l’assistance aux victimes et la réhabilitation de l’environnement, et à l’article 12 sur l’universalisation. Dans une volonté de poursuivre cette dynamique, il fut décidé de tenir une 2MSP en 2023, cette fois au siège de l’ONU afin d’assurer une plus grande représentativité des États.
Quelles sont les pistes d’action décidées par la seconde réunion ?
Cette seconde réunion s’est tenue sous la présidence de la diplomatie mexicaine. Après une semaine de travaux, une déclaration politique intitulée « Notre engagement à respecter l’interdiction des armes nucléaires et à éviter leurs conséquences catastrophiques » a été adoptée. Stratégiquement, elle permet « de faire revenir » dans le jeu de la discussion les puissances nucléaires et, en particulier, les États dotés au sens du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) qui refusent ce traité, même simplement en tant qu’État observateur (notons au moins la participation à ce titre d’États sous parapluie nucléaire, c’est-à-dire disposant d’une protection de la part d’un État possédant l’arme nucléaire : Arménie, Australie, Allemagne, Belgique, Norvège).
Cette déclaration souligne les « graves préoccupations quant aux conséquences humanitaires catastrophiques des armes nucléaires » (para 9, 10, 11), insiste sur les notions de « risques nucléaires » (para 8) et l’« absence de progrès significatifs en matière de désarmement compromet[tant] la sécurité de tous les États » (para 11). La déclaration insiste– à raison, étant donné que c’est un point central des obligations positives du TIAN, sur l’importance d’agir auprès des victimes des armes et des essais d’armes en totale coopération avec les communautés affectées.
Condamne-t-elle la dissuasion nucléaire ?
Elle ouvre en effet un axe de travail diplomatique, qui sera porté par le Groupe consultatif scientifique (GAS) créé lors de la 1MSP, pour remettre en question les faux récits de la dissuasion nucléaire. En effet, il est mentionné que les « tentatives de justification de la dissuasion nucléaire en tant que doctrine de sécurité légitime donne un faux crédit à la valeur des armes nucléaires pour la sécurité nationale et augmente dangereusement le risque de prolifération nucléaire horizontale et verticale » (para 17). Or, pour les membres du TIAN, « la perpétuation et la mise en œuvre de la dissuasion nucléaire dans les concepts, doctrines et politiques militaires et de sécurité non seulement érodent et contredisent la non-prolifération, mais entravent également les progrès vers le désarmement nucléaire » (para 19). La dissuasion nucléaire étant basée sur la menace de l’emploi permanent d’armes de destruction massive, cette vision de la sécurité « va à l’encontre des intérêts légitimes de l’humanité dans son ensemble ». Ils concluent qu’il « s’agit d’une approche dangereuse, erronée et inacceptable de la sécurité. Les menaces nucléaires ne doivent pas être tolérées » (para 15).
Face à ce qui est donc considéré comme une menace pour la sécurité humaine et un obstacle au désarmement nucléaire, les États parties veulent agir en lançant des ponts de travail, via notamment le GAS et des travaux d’intersessions menés par l’Autriche, avec ceux qui considèrent la dissuasion comme un système qui assure la sécurité internationale. Un premier rapport sera produit pour la troisième réunion qui se tiendra en mars 2025 sous la présidence du Kazakhstan.
Les États parties au TIAN ont décidé d’agir pour renforcer leur sécurité. Et la mise en œuvre du processus de l’interdiction de la menace d’emploi d’arme nucléaire (art 1.d) a cette fois débuté de manière concrète. Comme ils le concluent, « nous ne resterons pas spectateurs de l’augmentation des risques nucléaires et de la dangereuse perpétuation de la dissuasion nucléaire. »
Une analyse de Jean-Marie Collin, directeur de ICAN France, publié par le Think tank Le Club des Juristes, 21 décembre 2023.