Lundi, l’Assemblée générale des Nations Unies a voté en faveur de la création d’un groupe de travail qui élaborera « des mesures, dispositions et normes juridiques » pour parvenir à un monde exempt d’armes nucléaires. Ce nouvel organe de l’ONU, qui a reçu le soutien de 138 pays, devrait principalement concentrer ses efforts sur l’élaboration des éléments d’un traité interdisant purement et simplement les armes nucléaires.
Le groupe de travail se réunira à Genève, en Suisse, en 2016 pendant un maximum de 15 jours, les dates exactes n’ont pas encore été fixées. Tous les États membres de l’ONU sont encouragés à participer. Afin de parvenir à de réels progrès, ce groupe de travail ne sera pas lié par les règles strictes de consensus. Il présentera un rapport à l’Assemblée générale d’octobre prochain sur ses travaux et les recommandations convenues.
Les organisations internationales et les organisations de la société civile, y compris ICAN, sont également invitées à participer. « Il est temps de commencer un travail sérieux et concret pour développer les éléments d’un traité interdisant les armes nucléaires », a déclaré Beatrice Fihn, directrice exécutive d’ICAN. « L’écrasante majorité des nations soutient ce plan d’action. »
Dans son préambule, la résolution parrainée par le Mexique qui a créé le groupe de travail a souligné « l’absence de résultats concrets des négociations multilatérales sur le désarmement nucléaire dans le cadre de l’ONU depuis près de deux décennies. » Ce pays a déclaré que le « contexte international actuel », d’intensification des tensions entre les nations dotées d’armes nucléaires, rend l’élimination des armes nucléaires « d’autant plus urgente. »
Ouvert à tous les États
Cinq des neuf pays dotés d’armes nucléaires, la Chine, la Russie, le Royaume-Uni, les États-Unis et la France, ont publié une déclaration conjointe le mois dernier en expliquant pourquoi ils se sont opposés à la création du groupe de travail. Un instrument consistant en une interdiction « saperait le TNP » (Traité de Non Prolifération), disaient-ils, sans expliquer comment.
Ils ont également déclaré qu’ils auraient soutenu un groupe de travail « avec un mandat approprié » et régi par les règles strictes de consensus. Cependant, un tel arrangement leur aurait permis, collectivement ou individuellement, de bloquer les actions et toutes les décisions proposées, y compris la nomination d’un président et l’adoption d’un programme de travail. L’approche du Mexique, qui consiste à donner plus de contrôle aux nations non dotées d’armes nucléaires, crée des « divisions », se sont-ils plaints.
L’Allemagne, qui héberge des armes nucléaires américaines sur son territoire, s’est abstenu de voter sur la résolution, affirmant que le groupe de travail n’était pas « inclusif », bien qu’il soit ouvert à la participation de tous les États. Le Japon et l’Australie, qui estiment qu’il est acceptable d’utiliser des armes nucléaires dans certaines circonstances, se sont également abstenus, offrant des explications vagues.
L’Inde et le Pakistan, dotés de l’arme nucléaire, ont déclaré que le groupe de travail menacerait la Conférence du Désarmement, un forum basé à Genève qui a stagné pendant près de deux décennies et exclut les deux tiers des pays du monde de ses délibérations (principalement les pays en développement). Ces deux États se sont également abstenus de voter sur la résolution.
Il est temps d’agir
Cette semaine, l’Assemblée générale a adopté un certain nombre d’autres résolutions importantes. 139 nations se sont engagées « à combler le vide juridique concernant l’interdiction et l’élimination des armes nucléaires », 144 ont déclaré qu’il était dans l’intérêt de l’humanité que les armes nucléaires ne soient jamais utilisées à nouveau « sous aucune circonstance « et 132 États ont décrit les armes nucléaires comme « intrinsèquement immorales ».
Après le succès des trois grandes conférences sur l’impact humanitaire des armes nucléaires en 2013 et 2014, il existe une attente croissante des gouvernements et de la société civile pour le commencement immédiat de négociations sur un traité interdisant les armes nucléaires. L’échec de la conférence d’examen du TNP en mai dernier a davantage souligné la nécessité d’une action concrète.
« Nous ne pouvons pas retarder indéfiniment l’interdiction d’une arme qui est manifestement inacceptable pour des raisons humanitaires » a déclaré Mme Fihn. « Nous attendons de certaines nations qu’elles continuent à s’opposer à ce plan d’action. Mais cela ne doit pas nous empêcher d’avancer. Par le passé, nous avons interdit d’autres armes non discriminantes et inhumaines. Nous devons maintenant proscrire la pire des armes. »