Monsieur le Président de la République*,
La branche française de la Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires, ICAN France, organisation prix Nobel de la paix 2017, vous présente ce 16 juin les 11 217 signatures de Françaises et de Français qui vous demandent de ne pas isoler notre pays d’un processus multilatéral porté par l’organisation des Nations unies (ONU), en acceptant de faire participer notre État, en qualité d’observateur, à la première réunion des États Parties au Traité sur l’interdiction des armes nucléaires.
En 2022, les comprimés d’iode ont été épuisés dans les pharmacies européennes, la population et les médias se sont renseignés sur les abris anti-atomiques. L’invasion de l’Ukraine par la Russie, et ses menaces explicites d’utiliser des armes nucléaires a suscité peur et anxiété sur le continent européen comme sur l’ensemble de la planète ; votre réponse à cette insécurité ne peut pas être l’indifférence, ni s’inscrire en opposition à vos discours :
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- 7 février 2020, vous déclarez que la France « prendra ses responsabilités, en particulier en matière de désarmement nucléaire, comme elle l’a toujours fait » ;
- 14 septembre 2021, vous affirmez devant l’Assemblée générale des Nations unies que « le multilatéralisme n’est pas seulement un acte de foi, c’est une nécessité opérationnelle ».
- 4 janvier 2022, vous avez déclaré conjointement avec les chefs d’État et de Gouvernement de la Chine, des États-Unis, du Royaume-Uni et de la Russie « qu’une guerre nucléaire ne peut être gagnée et ne doit jamais être menée » ; considérant alors qu’il est de votre responsabilité première d’éviter une guerre entre États dotés d’armes nucléaires et de réduire ainsi les risques stratégiques.
Le 22 janvier 2021 est entré en vigueur le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN). Cette nouvelle norme juridique internationale a été adoptée le 7 juillet 2017 par une majorité des États, à l’Assemblée générale des Nations Unies, mais sans la participation de notre pays. Ce choix diplomatique ne doit pas signifier le refus des échanges que l’ONU met en place, du 21 au 23 juin, dans le cadre de la première réunion des États Parties au TIAN (Vienne, Autriche). Une attitude de rejet surprenante de votre part, car votre coutume est bien celle de maintenir le dialogue, à l’image de ce que vous réalisez avec le président Poutine…
Ce traité est une avancée pour assurer notre sécurité collective, pour protéger notre environnement des conséquences humanitaires catastrophiques de toute utilisation d’armes nucléaires et pour faire progresser le désarmement nucléaire. Cette première réunion des États Parties au TIAN va accueillir notamment des États européens comme l’Allemagne, l’Autriche, la Finlande, l’Irlande, Malte, la Norvège, la Suisse, la Suède… ; certains prenant part à ce processus en qualité d’observateur.
Allez-vous laisser le siège de la France à l’ONU vide ? Instaurant de fait une attitude similaire à celle de la Russie qui a menacé ouvertement de détruire notre capitale ?
Allez vous prendre la décision d’ignorer les
- 11 217 signatures de Françaises et de Français qui ont demandé à travers une pétition, lancée par notre Campagne, une participation de la France comme État observateur ?
- 62 villes (dont Paris, Lyon, Saint Étienne, Villeurbanne) représentant 4 270 504 habitants, qui soutiennent le traité en raison des conséquences humanitaires catastrophiques potentielles ?
- 56 parlementaires (du Sénat, de l’Assemblée nationale, du Parlement européen) qui souhaitent voir la France être un État observateur à la première réunion du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires ?
- 15 partis politiques membres de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale, NUPES, (via La France insoumise, Pôle écologiste, Parti communiste français et le Parti socialiste) qui demandent (chapitre 8 du programme) « la participation de la France comme membre observateur au Traité sur l’interdiction des armes nucléaires » ? La NUPES regroupant 5 836 202 voix au premier tour des élections législatives.
Pour 70 % des Français (« Les Français et la dissuasion nucléaire », Étude – Comisis-Opinion Way pour IDN – Mars 2022) l’arme nucléaire met en péril la sécurité du monde. Un début de réponse à cette insécurité et à la reconnaissance de la demande des français.e.s doit passer par une présence de la France, en qualité d’observateur, à la première réunion des États Parties au Traité sur l’interdiction des armes nucléaires.
*Lettre déposée le 16 juin 2022 à la présidence de la République