Alors que la Conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) s’achève, plus de 100 États* ont formellement rejoint l’« Engagement humanitaire », s’engageant à travailler en faveur d’un nouvel instrument juridiquement contraignant pour l’interdiction et l’élimination des armes nucléaires.
Cet Engagement reflète un renversement fondamental dans le discours sur le désarmement nucléaire de ces cinq dernières années. Ce récent développement porte à croire qu’un grand nombre de gouvernements se prépare pour une action diplomatique après la Conférence d’examen.
Ce large soutien international, qui ne cesse de grandir, à cet Engagement historique semble signaler que les gouvernements sont prêts à aller de l’avant pour l’interdiction des armes nucléaires même si les États dotés ne sont pas prêts à participer.
Pour les États dotés d’armes nucléaires, rien de tout cela ne semble avoir de l’importance. Presque aucun d’entre eux n’a mentionné ces nouvelles révélations, et au cours de déclarations absurdes, quelques États dotés (et leurs alliés) ont réfuté toute mention des risques associés aux armes nucléaires ou à l’impact humanitaire de leur détonation.
« Il n’y a eu aucune nouvelle information » à propos de l’impact humanitaire des armes nucléaires « depuis des décennies » a déclaré à maintes reprises l’Ambassadeur français, rejetant ainsi les preuves que les arsenaux nucléaires existants posent un risque de plus en plus important. Des chercheurs, journalistes, lanceurs d’alertes, agences des Nations Unies et intervenants à la Conférence de Vienne sur l’impact humanitaire des armes nucléaires affirment le contraire.
Alors que les États-Unis, le Royaume-Uni et le Canada ont déclaré forfait sur un accord sur le Moyen-Orient, le volet désarmement du projet de document final, qui n’a pas pu être adopté en raison de ce désaccord, présentait de profondes lacunes. Il ne contenait aucun engagement significatif en matière de désarmement nucléaire, il remettait en cause des accords antérieurs et ne fut pas négocié en présence de tous les États parties. Au cours de la plénière de clôture de cette Conférence d’examen, un grand nombre de gouvernements de différentes régions du monde ont souligné que le texte avait échoué de façon spectaculaire en terme de proposition pour des progrès crédibles.
Quoi qu’il en soit, les États dotés d’armes nucléaires continuant à défendre leur possession, il est impossible qu’un document final ne puisse réellement s’attaquer aux problèmes fondamentaux que posent les armes nucléaires.
L’utilisation d’une arme nucléaire sur une zone densément peuplée tuerait instantanément des dizaines, voir des milliers, de personnes.
D’autres centaines de milliers de personnes seraient également blessées, aveuglées, brûlées ou étouffées.
Les simples effets d’une seule arme nucléaire sont suffisamment choquants et accablants. Ils dépassent largement ce qui peut être considéré comme acceptable.
Les éclairs éblouissants rendront les victimes aveugles, l’explosion massive anéantira les villes, l’intensité de la chaleur et la propagation de flammes feront fondre l’acier, engloutiront toutes les habitations, et se transformeront en une tempête de feu qui consommera l’oxygène de toute personne respirant encore. Même les survivants de ces effets seront contaminés par les retombées radioactives, qui détruiront leurs corps durant les jours et semaines qui suivront.
Les conséquences à long terme endommageraient significativement l’environnement, le développement et l’économie à travers les frontières et les générations.
Ces armes violent fondamentalement les principes de l’humanité. Elles sont moralement inacceptables. Ce sont des instruments illégitimes de terreur qui doivent être interdites.
Une interdiction des armes nucléaires n’est pas simplement la mise en œuvre de l’article VI du TNP. Une interdiction des armes nucléaires est une condition préalable et indispensable pour empêcher les conséquences humanitaires des armes nucléaires.
Il a été rendu évident que les États dotés d’armes nucléaires ne sont pas intéressés par la prise de nouveaux engagements en faveur du désarmement, c’est donc au reste du monde de démarrer un processus pour interdire les armes nucléaires. L’Engagement humanitaire est le socle dont nous avions besoin pour lancer ces négociations.
Beatrice Fihn, Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires (ICAN)
Traduit de l’anglais par Silene Theobald
* 107 États au 23 mai 2015.