Qui sera la Rosa Parks du désarmement nucléaire ?

L’Urgence du présent

Texte publié le 16 juin par Wildfire, traduit de l’anglais par M.P.

Le 22 mai, à la clôture de la Conférence d’Examen du TNP, l’Afrique du Sud a décrit le régime du TNP comme une forme d’« apartheid nucléaire ». Cela saisit en effet l’idée qu’une minorité privilégiée impose injustement sa volonté à une minorité privée de ses droits. Cependant, dans bien des sens, la lutte pour les droits civiques aux États-Unis dans les années 1950 et 1960 serait une meilleure analogie.

Comme Martin Luther King l’a dit avec éloquence en 1963 dans son célèbre discours “I have a dream”, la Constitution américaine et la Déclaration d’Indépendance étaient des « billets à ordre » dont les États-Unis ne s’étaient pas acquittés à l’égard des noir-Américains. À travers les lois Jimmy Crow et une myriade de moyens informels, les droits et les libertés supposément garantis à tous les citoyens étaient systématiquement niés aux citoyens noirs. À l’époque, pour le Gouvernement et pour beaucoup d’Américains, il s’agissait d’une situation à laquelle on devrait remédier –plus tard, à un moment indéterminé dans le futur, lorsque les conditions seraient « adéquates », grâce à un processus graduel et par étapes, en prenant garde à maintenir l’« ordre ». Évidemment, cela n’est jamais arrivé. C’est seulement quand le mouvement des droits civiques a commencé à mener des actions directes (le boycott des bus de Montgomery, les Freedom Rides (« voyages de la liberté ») et de nombreuses autres initiatives non-violentes, créatives et extraordinairement courageuses) que les choses ont commencé à changer.
De même, le TNP est un “billet à ordre”, un engagement sans équivoque des États nucléaires à désarmer duquel ils ne se sont pas acquittés. Et de même, les États non-nucléaires sont exhortés à être patients ; on remédiera à cette situation à un moment indéterminé dans le futur, lorsque les conditions seront “adéquates”, grâce à un processus graduel et par étapes, en prenant garde à maintenir une “stabilité stratégique”. Évidemment, cela n’arrivera jamais.

Et maintenant que l’initiative des conséquences humanitaires a donné la chance aux États non-nucléaires de prendre les choses en main, les États vassaux émettent un flot de réprimandes et de demandes, étonnamment similaire à ce que King avait entendu de la part de ceux qu’il appelait les « blancs modérés ». Dans sa Lettre de la geôle de Birmingham, King a écrit : « le grand obstacle des Noirs dans leur marche vers la liberté, ce n’est pas le membre du Conseil des Citoyens Blancs ni le celui du Ku Klux Klan, mais le blanc modéré, plus dévoué à l’ “ordre” qu’à la justice ; qui préfère la paix négative de l’absence de tension à la paix positive de la présence de justice ; qui répète en permanence : “je suis d’accord avec votre objectif, mais je ne peux pas approuver vos méthodes d’action directe”… qui vit dans un concept de temps fictif et qui conseille toujours aux Noirs d’attendre un “moment plus opportun” ». Les États vassaux lancent des appels à “collaborer et non à se confronter” aux États nucléaires, disent qu’un traité d’interdiction serait “agressif”, “provocateur” ou “une rupture” qui mettrait en péril de futures étapes vers le désarmement, qu’il n’y a aucun substitut à un processus graduel et par étapes –même si rien ne se passe.
King n’a pas été ébranlé par ce genre d’arguments ; comme il l’a écrit : « par le biais d’une expérience douloureuse, nous savons que la liberté n’est jamais volontairement accordée par l’oppresseur ; elle doit être exigée par l’opprimé ». Les États non-nucléaires –et en particulier ceux qui ont rejoint l’Engagement humanitaire– devraient tenir compte de ces mots. Ils devraient admettre « l’extrême urgence du présent. Ce n’est pas le moment de se détendre ou de prendre le tranquillisant du gradualisme ».

Si vous avez rêvé qu’un jour, les armes nucléaires seront bannies et éliminées, vous devez vous lever et agir. Quelqu’un doit faire le premier pas, refuser de céder sa place dans le bus. Alors, quel pays sera la Rosa Parks du désarmement nucléaire ?
(Avec nos remerciements à Matthew Bolton, qui a le premier attiré notre attention sur la pertinence de la Lettre de la geôle de Birmingham).

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