Dans une ambiance de guerre et de tensions internationales, la 10e conférence d’Examen du Traité de non-prolifération nucléaire (RevCon) entame ses dernières heures. La possibilité de l’obtention d’un document final, à la veille de la fin de ce mois de négociations, reste très complexe !
Après un débat général et sur les trois piliers du traité (désarmement, non-prolifération, usage pacifique de l’énergie nucléaire) lors des 10 premiers jours de ce mois d’août 2022, puis une répartition du travail par groupe (correspondant aux piliers du traité) pour négocier à chaque fois un document spécifique ; cette dernière semaine est celle où ces documents doivent être confrontés à la vue de chacun, pour obtenir un « Document final ».
Un document final, qui doit être adopté par consensus, revient à faire un bilan des actions réalisées et expose une somme d’engagements que les États membres – et en particulier les États dotés d’armes nucléaires – doivent réaliser. Par le passé un tel document fut adopté (notamment en 1995, en 2000 et en 2010), signe alors de succès de ces conférences ; malheureusement, les actions inscrites ne furent jamais réalisées … Ce manque de réalisation vient affecter gravement la crédibilité du TNP et, si le régime du TNP devait un jour faillir totalement, la faute n’en incomberait pas aux États non dotés d’armes nucléaires (qui soutiennent dans leur majorité le TIAN), mais bien aux États-Unis, à la Russie, à la Chine, à la France et au Royaume-Uni qui n’agissent pas dans l’esprit et la lettre du TNP.
Afin de faire prendre conscience à ces puissances nucléaires de l’importance d’agir – « l’humanité jouant avec une arme chargée » rappelant le secrétaire général de l’ONU lors des commémorations d’Hiroshima – une écrasante majorité des États ont souhaité prendre une position forte à travers deux grandes déclarations :
- Le Costa Rica, a dans une déclaration cosignée par 144 États (on peut regretter l’absence de la Suède, de la Finlande ou encore de la Norvège dans cette liste) sur les conséquences humanitaires et environnementales des armes nucléaires, réaffirmé le fait que les effets catastrophiques de la détonation d’une arme nucléaire, que ce soit par accident, par erreur de calcul ou à dessein, ne peuvent être traités de manière adéquate. Evidemment le bloc OTAN, la Chine et la Russie ont refusé d’endosser ce texte ;
- Le Mexique, prenant la parole au nom des États parties et signataires du TIAN, à souligné que « les armes nucléaires sont désormais explicitement et complètement interdites par le droit international » avec l’entrée en vigueur du TIAN. Réaffirmant également « la complémentarité du TIAN avec le TNP. Nous sommes heureux d’avoir fait progresser la mise en œuvre de l’article VI du TNP en mettant en vigueur une interdiction juridique complète des armes nucléaires, en tant que mesure nécessaire et efficace liée à la cessation de la course aux armements nucléaires et au désarmement nucléaire. ».
Les États ont donc jusqu’à vendredi 26 août 18H, pour adopter ce document final. La version définitive sera discutée en Assemblée générale ce vendredi après-midi (15H à New York). Le draft actuel disponible contient un langage que l’on peut qualifier de positifs sur les conséquences humanitaires des armes nucléaires, mais les différents engagements proposés sur le désarmement ne sont assortis d’aucun calendrier (contrairement au Plan d’Action de Vienne, acté lors de la première réunion du TIAN), ni ne contient aucune condamnation claire de toutes les menaces d’utilisation d’armes nucléaires, implicites ou explicites. Assez logique malheureusement, car on voit mal la Russie « s’autocritiquer » suite aux multiples menaces réalisées depuis son invasion de l’Ukraine ; quant aux autres puissances le simple fait de posséder une politique de disuasion induit une menace d’utilisation permanente (se traduisant dans les faits par la présence constante en mer de SNLE)…
Si dans le draft il est indiqué que « la conférence reconnaît que le TIAN a été adopté le 7 juillet 2017 » et « reconnaît en outre son entré en vigueur le 22 janvier 2021 » comme la tenue de sa première Réunion (Vienne, 22/24 juin 2022), le langage utilisé reste léger au vu de l’impact du ce nouveau traité dans le régime mondial de non-prolifération.
En outre nous pouvons observer – en raison de la guerre en Ukraine – une volonté de la part des États soutenant l‘Ukraine d’inscrire leur préoccupation sur « les activités militaires menées à proximité ou dans la centrale nucléaire de Zaporijia » dont «l’autorité compétente est l’Ukraine » ; des propos qui ne pourront qu’être refusés par la Russie. De même, le langage utilisé concernant la création d’une zone exempte d’armes nucléaires et d’autres armes de destruction massive au Moyen-Orient est extremement faible et ne laisse en rien présager une volonté d’agir dans ce sens par les États dotés d’armes nucléaires.
En ce jeudi 25 août, la seule conclusion possible qui peut être avancée est que si un document final est adopté, tout porte à croire que celui ne répondra pas à l’urgence et à l’importance du désarmement.
Texte et suivi de la 10e RevCon réalisée avec le soutien de la Heinrich-Böll-Stiftung Paris, France.