À l’occasion de la Journée internationale contre les essais nucléaires, commémorée par les Nations Unies chaque année le 29 août, ICAN France publie le premier volet de « L’histoire des essais nucléaires Français » en bande dessinée, afin de sensibiliser le public aux effets catastrophiques de ces armes, ainsi que pour questionner le Président Macron et son gouvernement, face à leur absence de prise de responsabilité complète sur les conséquences humanitaires et environnementales provoquées par l’explosion de ces 210 armes nucléaires.
Rappel : Entre le premier essai nucléaire le 16 juillet 1945 (États-Unis) et le dernier, 6 septembre 2017, réalisé à ce jour par la Corée du Nord, c’est un total de 2056 essais* atmosphériques et souterrains qui ont été effectués (par les États-Unis, l’URSS/Russie, le Royaume-Uni, la France, la Chine, l’Inde, le Pakistan et la Corée du Nord) sur l’ensemble de la planète, entraînant des épidémies de cancers, d’autres maladies chroniques, des drames psychologiques et un impact certain sur le mode de vie de ces populations. De vastes étendues de terre restent ainsi radioactives et dangereuses pour l’habitat, et ce même des décennies après la fermeture de ces sites.
La France a réalisé, de 1960 à 1966, dans le Sahara (site de Reggane et de In Ekker) 4 essais atmosphériques et 13 essais souterrains, puis de 1966 à 1996 en Polynésie (atolls de Moruroa et de Fangataufa) 46 essais atmosphériques et 147 souterrains ; soit un total de 210 essais nucléaires. Suite à la réprobation internationale unanime contre la reprise des essais, décidée par Jacques Chirac en 1995, la France a mis un terme définitif en 1996 à la réalisation grandeur nature de ces essais. Paris a ratifié en 1998 le Traité sur l’interdiction complète des essais nucléaires (TICE), mais tout en développant un programme dit de « simulation », afin de poursuivre la modernisation et le renouvellement de son arsenal… À ce titre la France a validé les ogives nucléaires (TNA et TNO), actuellement en services au sein des forces aériennes et océaniques stratégiques via ce programme ; ceci étant en contradiction avec l’esprit et la lettre du TICE et démontrant aussi une volonté de pérenniser la possession d’armes nucléaires…
Les déchets nucléaires français sont toujours sous le sable du Sahara ! En réalisant des essais nucléaires dans le Sahara, la France a pratiqué une politique volontaire d’enfouissement de tous matériels contaminés par la radioactivité. Comme nous le révélions dans une étude en juillet 2020, ces déchets, qui comprennent aussi des cuves en acier polluées par des expériences (essais sous-critiques) réalisées avec du plutonium, posent toujours des problématiques environnementales et humanitaires graves. Nous recommandions alors des mesures urgentes, et des parlementaires (en 2021) ont aussi appelé le président à agir dans ce sens. Il y a tout juste une année, lors de sa rencontre avec son homologue Abdelmadjid Tebboune, nous demandions encore au président Macron de prendre ses responsabilités devant cet héritage radiologique pour avancer vers une relation franco-algérienne apaisée.
Malheureusement nos principales recommandations restent d’actualité :
- remettre aux autorités algériennes la liste complète des emplacements où ont été enfouis les déchets avec leur localisation précise et un descriptif des matériels enterrés ;
- publier les données relatives aux zones contaminées par des scories et laves radioactives et étudier avec les autorités algériennes les modalités d’un nettoyage de ces zones ;
Les déchets nucléaires océanisés en Polynésie ! Un minimum de 3188 tonnes de déchets ont été déversées dans les eaux polynésiennes, à proximité des atolls de Moruroa (sur deux sites) et de Hao (un site) de 1972 à 1982. Il faut observer que ces chiffres sont différents selon l’Inventaire géographique des déchets radioactifs de l’ANDRA et ceux apportés par le CEA ; vive la cohérence !
La loi Morin est entrée en vigueur en 2010, et reconnaît que l’État français doit indemniser les victimes de ses essais ou accidents nucléaires. Selon le dernier rapport (juillet 2023) du Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIven), qui attribue ou non des indemnisations, seulement 2 282 dossiers de demandes ont été enregistrés, 938 victimes indemnisées dont 1 seul algérien depuis 2010. Ces chiffres sont très faibles au regard du nombre total de personnes qui ont participé aux essais nucléaires (150 000 civiles et militaires) et s’expliquent principalement par l’absence d’information auprès des populations sur l’existence de cette loi et sur la difficulté d’accès aux documents pour prouver sa participation aux essais. Par exemple, les éléments principaux de cette loi ne sont toujours pas traduit en langue arabe et n’ont été traduit qu’en 2020 en langue polynésienne !
La loi Morin, bis ! Pour prétendre à une indemnisation, il faut avoir été présent au Sahara comme en Polynésie, dans une zone d’essai qui a été bien délimitée. En 2013, la zone polynésienne ne se limite plus à un périmètre précis (les atolls de Moruroa et de Fangataufa et les « zones exposées proches »), mais s’étend à toute la Polynésie française, au vu des retombées radioactives (notamment l’essai Centaure, datée du 17 juillet 1974) qui ont recouvert ce territoire. Or, pour le Sahara, les zones sont toujours « angulaires » et extrêmement restrictives, au point d’exclure, comme par hasard, les villages proches, comme les nombreuses populations nomades pourtant recensées. Il est donc indispensable de modifier le décret délimitant ces zones du Sahara, car les retombées radioactives ne sont pas arrêtées, comme en Polynésie, subitement…
Les archives nucléaires : Le président Macron lors de sa visite, en 2021, en Polynésie a décidé que le principe pour les archives liées aux essais en Polynésie « est et sera la communication. » Nous demandons donc d’appliquer ce même principe, pour ce qui concerne les archives liées aux essais en Algérie. Nous demandons ainsi de modifier l’arrêté portant sur l’ouverture d’archives relatives à la guerre d’Algérie (datée du 22 décembre 2021), celui ne concernant pas les essais nucléaires.
Le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN), considère que le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE) et son régime de vérification constituent un élément vital du régime de désarmement et de non-prolifération nucléaires. Le TIAN a une composante humanitaire forte, avec ses articles sur « l’Assistance aux victimes et la remise en état de l’environnement » (n°6) et sur la « Coopération et assistance internationales » (n°7). À ce titre, nous encourageons la France, en raison de la réalisation de 210 essais nucléaires, de la présence de déchets nucléaires sur ses anciens sites, de l’existence de victimes et des risques transgénérationnels, d’assister comme État Observateur à la seconde réunion du TIAN qui se tiendra au siège des Nations Unies (New York) en novembre 2023.
Une bande dessinée à télécharger et réalisée par Aymerick Paccoud et publiée par ICAN France, août 2023, crédit Aymerick Paccoud / ICAN France.
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* Il faut relever que Israël et l’Afrique du sud ont très probablement réalisé un essai nucléaire le 22 septembre 1979 (dit accident « Vela »), mais ces deux États n’ont jamais reconnu cet acte.