Une année de menaces de guerre nucléaire

La guerre d’invasion russe en Ukraine rapproche, toujours plus près, la communauté internationale de la catastrophe nucléaire. Le nier ou observer les déclarations de V. Poutine uniquement comme du bluff serait jouer un jeu dangereux.

Le 24 janvier 2023, l’organisation du Bulletin of the Atomic Scientists a avancé l’aiguille des minutes de l’horloge de l’apocalypse à 90 secondes avant minuit « en grande partie, mais pas exclusivement, à cause de l’invasion russe en Ukraine ». Cette horloge est la réalité cachée de la dissuasion nucléaire. Elle doit être lue comme une métaphore de la proximité de l’humanité avec son propre anéantissement,

Si le tabou de l’emploi d’arme nucléaire en période de guerre n’a pas été franchi depuis les 6 et 9 août 1945, celui de la menace ouverte d’emploi (voir page 3) par Poutine, en 2022, a franchi un pas intolérable. Une banalisation des menaces, dont les médias se sont tristement habitués, tout en communicant sur des aspects techniques qui ont peu de sens (arme « stratégique ou tactique »). Il n’existe pas d’arme nucléaire « petite ». Tout usage provoquerait des conséquences humanitaires catastrophiques dont aucun pays (voir page 6) ne pourrait faire face. La France ne prépare pas sa population devant le risque d’une frappe nucléaire, préférant l’abriter sur le pari que personne n’osera franchir le rubicond nucléaire. 

Le tabou qui est tombé, c’est la possibilité pour un État (la Russie) de pouvoir sous couvert de menaces nucléaires, réaliser une invasion militaire et des crimes de guerre. La dissuasion nucléaire ne crée donc pas la paix, mais est créatrice d’instabilité et de barbaries. 

Pour le Président Macron, « certains des défis d’aujourd’hui seront durablement avec nous. Et, en particulier, quand la paix reviendra en Ukraine, il nous faudra là aussi en tirer toutes les conséquences, c’est-à-dire bâtir véritablement une architecture de sécurité nouvelle et un cadre rénové de stabilité et de contrôle des armements où l’Europe sera autour de la table. » (9 novembre 2022)

    • Si « architecture de sécurité nouvelle », signifie conserver des politiques de dissuasion, alors nous devrons encore tous faire face à nouveau à un avertissement similaire à celui lancé, en septembre 2022, par le Secrétaire général de l’ONU Guterres : « L’ère du chantage nucléaire doit prendre fin » ;
    • De plus « un cadre rénové de stabilité et de contrôle des armements » sans armes nucléaires semble logique au vu de la déclaration (G20, Bali, 16 novembre) acceptée et endossée par la France : « L’emploi d’armes nucléaires ou la menace de leur emploi sont inacceptables » ; 
    • Par contre, cette affirmation pose de nombreuses interrogations, alors même qu’une nouvelle loi de programmation militaire (LPM) devrait voir une dépense massive, que nous chiffrons entre 50 et 60 milliards d’euros, être consacrée à la modernisation et au renouvellement des forces de dissuasion.

Les mots ont un sens. En dénonçant la dissuasion nucléaire, la France n’a rien fait d’autre que de reprendre le langage créé par le Traité des Nations unies sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN). Il n’est donc pas nécessaire de réinventer un processus, qui est déjà mis en œuvre par une très large partie du monde. Le TIAN, qui complète le Traité de non prolifération nucléaire (TNP), est signé à ce jour par 92 États et compte 68 États membres. Pour engager ce processus, il n’est nul besoin d’attendre le retour de la paix, la France détient déjà des moyens forts pour réaliser ses paroles. Elle doit :

    • Indiquer sa participation comme État observateur à la seconde réunion des États parties au TIAN  (27 novembre -1er décembre 2023) qui se déroulera au siège des Nations unies à New York ;
    • Promouvoir lors du G7, à Hiroshima (19/21 mai), les propos de la déclaration du G20 de Bali ;
    • Reformuler sa loi de programmation militaire, permettant un gel des crédits liés au renouvellement des arsenaux nucléaires.

Retrouvez dans notre dossier « Une année de menaces de guerre nucléaire » :

  • Multiplication des discours de menaces nucléaires
  • La dissuasion nucléaire en alerte
  • Les mots ont un sens. Mais les contresens officiels sont multiples !
  • La réalité cachée de la dissuasion nucléaire
  • La France et le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires

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