Communiqué : Une bande dessinée sur l’histoire des essais nucléaires français dans le Sahara en langue algérienne

À l’occasion de la date anniversaire de l’accident de l’explosion nucléaire Jade, 30 mai 1965, dans le Sahara, ICAN France publie en collaboration avec l’Association Le Grand Maghreb, une traduction en langue algérienne de sa bande dessinée « Les essais nucléaires français en Algérie ». L’objectif est notamment d’informer les populations du sud du Sahara d’une loi française créée depuis 2010 pour indemniser les potentielles victimes de maladies radio-induites.

Le 30 mai 1965, la France réalise, sur le site algérien de In Ekker dans le sud du Sahara, sa 10e explosion nucléaire souterraine. La montagne du Tan Afella, lieu des expérimentations est déjà un véritable gruyère. Nommée Jade, cette explosion d’une puissance de 2,5 kilotonnes fait partie des tirs (avec Béryl le 1er mai 1962, Améthyste le 30 mars 1963 et Rubis le 20 octobre 1963) qui n’ont pas été totalement contenus ou confinés, entraînant la libération de gaz, aérosols et de laves radioactives dans l’environnement. À chacun de ces accidents du personnel civil et militaire, ainsi que les populations vivant aux alentours, ont été exposés aux retombées polluantes. L’environnement a également été fortement affecté.

Les conséquences sanitaires et environnementales des 17 essais nucléaires (à Reggane et à In Ekker), effectués entre 1960 et 1966 par la France, ne sont malheureusement pas terminées. Une première étape dans la reconnaissance a été réalisée avec l’entrée en vigueur le 5 janvier 2010 de la loi française n° 2010-2, dite Loi Morin, relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français ; mais quatorze années plus tard nous sommes encore loin du compte dans la prise en charge des victimes !

Nos organisations constatent en effet avec regret l’échec de ce processus et en particulier concernant les populations résidentes dans le sud du Sahara. Sur un total de 875 personnes reconnues comme victimes des essais nucléaires français, une seule est résidente en Algérie. Seulement 66 dossiers de populations résidentes en Algérie — sur un total de 2 282 dossiers de demandes — ont été déposées auprès du Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) en charge de l’attribution ou du refus des indemnisations.

Des chiffres très faibles au regard du nombre total de la population habitant dans la zone qui ont subi les essais ou des 20 000 civils et militaires qui ont participé à leur mise en œuvre. Ils s’expliquent principalement par la complexité de la loi (notamment concernant les zones du Sahara concernées) et l’absence d’information sur l’existence de cette loi française auprès des populations algériennes du Sud du Sahara. Par exemple, ce n’est seulement qu’en début d’année 2024 que la traduction en langue arabe des principaux éléments de la loi Morin et du dossier à rendre par les demandeurs ont été publiés par le CIVEN sur leur site internet.

La publication de cette bande dessinée en langue arabe s’inscrit dans une volonté d’une part de communiquer sur cette triste histoire qui lie la France et l’Algérie et d’autre part pour faire connaître cette loi d‘indemnisation aux populations de ces territoires pollués par 17 essais nucléaires.

Nous demandons aux deux États une pleine résolution des problématiques humanitaires et environnementales et notamment :

Aux autorités françaises de :

  • Remettre aux autorités algériennes la localisation et la liste des emplacements où ont été enfouis des déchets contaminés ;
  • Améliorer, pour les populations algériennes, l’accès aux archives médicales détenues par le Service des archives médicales hospitalières des armées ;
  • En vue d’accélérer le processus d’indemnisation des populations algériennes impactées par les essais nucléaires, que des missions du Civen – comme elle en a conduites à plusieurs reprises en Polynésie – soient effectuées en lien avec les autorités algérienne dans les zones concernées du Sahara pour faciliter la constitution des dossiers de demande d’indemnisation ;
  • Modifier le décret délimitant les zones affectées au Sahara afin de les élargir, comme cela a été fait pour la Polynésie.

Aux autorités algériennes de :

  • Indiquer les actions réalisées et les futures de son Agence nationale (créée en 2021) de réhabilitation des anciens sites d’essais et d’explosions nucléaires français dans le sud algérien ;
  • Améliorer la situation humanitaire des populations des zones à risques par des campagnes de prévention et d’information plus visibles (renforcement des clôtures, sensibilisation aux risques radiologiques) autour des zones d’essais et des villages proches.

Jean-Marie COLLLIN, directeur de ICAN France, « Si on ne peut pas changer l’histoire, le Président Macron et son gouvernement doivent faire face à leur responsabilité sur cet héritage nucléaire. Il doit agir, comme il commence à le faire pour la Polynésie. Le Président Tebboune lui dispose aussi d’une capacité d’action en procédant à la ratification du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires. Cela permettra à l’Algérie de bénéficier du fonds international d’affectation spéciale pour l’assistance aux victimes et à la réparation des dommages causés à l’environnement par les essais d’armes nucléaires. »

Patrice BOUVERET, directeur de l’Observatoire des armements, « Pour mettre fin à la contamination des populations, le gouvernement français en coopération avec le gouvernement algérien, doit commencer par nettoyer et rapatrier en France tous les déchets radioactifs ou non laissés sur place à la fin des campagnes de tir. Car compte tenu de la durée de vie des éléments radioactifs, ceux-ci continuent d’impacter les populations. De même il doit engager des études épidémiologiques et apporter une aide médico-sociale auprès des populations pour une meilleure prise en charge. » 

Brahim MABROUKI, président de L’Association Le Grand Maghreb, « La prise en charge des victimes algériennes des essais nucléaires français est un véritable enjeu pour ALGM. Les conséquences sur l’environnement relèvent également de notre priorité. C’est un combat mené conjointement avec ICAN qui s’inscrit dans la lutte contre la prolifération des armes nucléaires à travers le monde ». 

 

Lire le communiqué de presse, 30 mai 2024.

Une bande dessinée réalisée par Aymerick Paccoud et publiée par ICAN France et L’Association Le Grand Maghreb.

 

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