Le 11 décembre, la délégation d’ICAN France a participé à un séminaire sur le Traité d’interdiction des armes nucléaires, organisé par la Croix-Rouge norvégienne. Réunissant des spécialistes en droit international et des membres d’ICAN, le séminaire est revenu sur le contenu du nouveau traité et sur ses effets potentiels.
Ce traité s’inscrit dans les discussions autour du désarmement humanitaire qui prônent l’interdiction de certains types d’armes en raison de leur incompatibilité avec le droit international humanitaire. De ce fait, des catégories particulières d’armes – comme les mines antipersonnel ou les armes à sous-munitions- ont été proscrites car elles causaient des dommages excessifs et disproportionnés sur des populations civiles. Or, les principes de distinction, de précaution, de proportionnalité et d’interdiction de maux superflus sont au cœur du droit international humanitaire. De même, les armes nucléaires violent les principes du droit international humanitaire et infligent des souffrances inacceptables, reconnues dans le traité. L’interdiction des armes nucléaires se base explicitement sur des considérations éthiques et humanitaires. Le discours sur les armes nucléaires a été ainsi déplacé du champ militaire et sécuritaire, où la souveraineté nationale prime sur la dignité humaine, vers les domaines du droit humanitaire, des droits de l’homme et du droit environnemental. Le traité consacre un changement de paradigme.
Bonnie Docherty, professeur de droit à l’université de Harvard, a souligné les forces du traité d’interdiction en tant que traité humanitaire. Tout d’abord, le traité a le mérite de combler un vide juridique. Avant son adoption, les armes nucléaires étaient les seules armes de destruction massive à ne pas être illégales. Les interdictions antérieures n’étaient que partielles car elles étaient limitées à des zones géographiques précises, dans le cas des zones exemptes d’armes nucléaires, ou à des activités spécifiques, comme les essais nucléaires, ou à des classes différenciées de pays, comme pour le Traité de non-prolifération qui confère aux États dotés d’armes nucléaires un statut spécial. En effet, le traité d’interdiction remet en question le statu quo : en l’adoptant, les États non nucléaires ont refusé d’être pris en otage par une minorité et ont décidé de prendre en main le processus de désarmement. De plus, le traité contient des obligations positives en terme d’assistance aux victimes et de réparation de l’environnement qui dépassent le simple contrôle des armements.
Les participants du séminaire se sont interrogés sur l’impact potentiel du traité auprès de l’opinion publique et sur le financement des programmes nucléaires militaires. Puis, la nécessité de promouvoir la signature et la ratification du traité par le plus grand nombre de pays a été mise en relief. Tim Wright, directeur Asie-Pacifique d’ICAN, a rappelé le rôle moteur de la société civile, dont le soutien a été crucial pour l’adoption du traité. Selon lui, nous, les citoyens, avons le pouvoir de changer les orientations politiques et militaires de nos pays. Nous ne sommes pas obligés de vivre sous « le nuage en champignon de la peur », sous l’emprise terrifiante de la bombe. Aujourd’hui, les États dotés de la bombe affirment qu’ils n’adhéreront jamais au traité. Mais les gouvernements et les mentalités changent. Les dirigeants de demain auront peut-être des positions distinctes. Par conséquent, nous devons continuer notre combat. L’avenir nous appartient.
Après ce séminaire passionnant, nous avons assisté au concert en hommage au lauréat du prix Nobel de la paix 2017, présenté par l’acteur David Oyelowo. Dans la « Telenor Arena », une des plus grandes salles d’Oslo, des artistes divers ont célébré le travail d’ICAN. Le chanteur John Legend, accompagné par Zara Larsson, a joué une reprise de la chanson God Only Knows des Beach Boys sur un piano ayant résisté au bombardement atomique de Hiroshima. Ce piano, qui garde encore des traces radioactives, symbolise le triomphe de l’art, de la beauté, de l’humanité sur la barbarie nucléaire. « Entre la fin des armes nucléaires ou notre fin », nous avons fait notre choix et continuerons nos efforts pour l’abolition des armes nucléaires.