Communiqué : Une honte, en 13 ans, seulement 1026 personnes reconnues par la France comme victimes des essais nucléaires !

Le Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) a publié son rapport d’activité 2023. Il montre une importante augmentation des demandes d’indemnisation, mais pas du nombre de victimes reconnues dans la même proportion. Selon notre analyse que nous dévoilons ce 2 juillet, jour de commémoration de la première explosion nucléaire (en 1966) en Polynésie, ces chiffres reflètent la mauvaise volonté des gouvernements successifs de reconnaître la réalité des conséquences des 210 essais nucléaires réalisés par la France au Sahara algérien et en Polynésie française !

 

Statistiquement le rapport d’activité 2023 du Civen montre une augmentation du nombre de dépôt de dossiers de demande d’indemnisation (564 en 2023 contre 328 en 2022) et du nombre de personnes reconnues (151 en 2023 contre 174 en 2022) comme victimes des essais nucléaires français. Ainsi depuis l’entrée en vigueur le 5 janvier 2010 de la loi Morin de reconnaissance et d’indemnisation, sur les plusieurs dizaines de milliers de personnes impactées par les retombées radioactives des essais, seulement 1 026 ont été reconnues comme victimes en 13 ans de mise en œuvre de cette loi ; c’est-à-dire répondant aux trois critères : avoir été présent dans une zone géographique (Polynésie ou sites d’essais algériens) établie par décret ; durant la période des essais ; et être atteint d’une des 23 maladies radio-induites listées par décret en Conseil d’État.

Mais derrière ces statistiques se cache de graves interrogations :

  • Seulement 2 846 dossiers de demandeurs ont été enregistrés par le Civen depuis 2010, alors que 150 000 personnels civils et militaires ont participé aux campagnes (1960-1998) des 210 explosions nucléaires et que la population polynésienne était de plus de 210 000 personnes à la fin des essais et que probablement plus de 40 000 Algérien·ne·s ont été exposé·e·s aux retombées radioactives ;
  • Le nombre de dossiers déposés par des résidents algériens reste toujours extrêmement faible (3 en 2023, 9 en 2022) alors qu’il est en forte augmentation en Polynésie (plus 72 % par rapport à 2022), dont 217 sur les 564 nouveaux dossiers, grâce à la mission « Aller vers» (établis en Polynésie en 2022 par le gouvernement) ; ce qui souligne l’importance du travail de sensibilisation et d’aide auprès des populations impactées qui n’a pas été effectué jusqu’à présent et qu’il serait de la responsabilité de l’État d’amplifier ;
  • La nécessité d’élargir la liste des maladies radio-induites prises en compte, en s’appuyant d’une part sur le nombre de pathologies « hors décret » qui ne cesse d’augmenter (483 en 2023 contre 380 en 2022) et d’autre part sur l’étude du Civen présentée dans le rapport.

La réalité est lourde de conséquences, il n’y a eu aucune impulsion politique pour permettre au Civen, autorité administrative indépendante, de véritablement mettre en œuvre la loi depuis 2010. C’était notamment le rôle de la Commission de suivi (CSCEN) prévue par la loi Morin qui devait se réunir deux fois par an et qui est absente depuis 2021. Et ce, malgré les divers engagements successifs comme celui de la ministre de la Santé Catherine Vautrin pris devant les député·e·s le 19 janvier 2023, de réunir la CSCEN au 1er trimestre, permettant alors probablement d’augmenter le nombre de maladies pour être considéré comme victime !

De façon urgente, il est demandé — en ce 2 juillet, jour de commémoration de la première explosion nucléaire (1966) en Polynésie — au gouvernement mis en place à l’issue des législatives :

  • La réunion d’ici fin 2024, de la Commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires ;
  • L’ajout de nouvelles maladies, notamment celles « hors décrets » listées par le Civen à la liste des 23 déjà reconnues par décret ;
  • La création d’une nouvelle commission d’enquête parlementaire (la précédente présidée par la députée Mereana Reid Arbelot ayant dû être arrêtée pour cause de dissolution) sur les conséquences des essais nucléaires en Algérie et en Polynésie française, la reconnaissance et la prise en charge des victimes.

Pour Jean-Marie Collin, directeur de ICAN France :

  • « La commission d’enquête parlementaire sur les essais nucléaires, initiée par la députée polynésienne Mereana Reid Arbelot en mai 2024, a démontré à travers les premiers témoignages, ce que l’on retrouve dans ce rapport d’activité du Civen : l’irresponsabilité des gouvernements et le manque de considération de toutes les victimes. Il est impératif que soit créé une nouvelle commission d’enquête, et ce, quelle que soit la majorité gouvernementale ! »

Pour Patrice Bouveret, directeur de l’Observatoire des armements et co porte-parole de ICAN France :

  • « Depuis l’adoption de la loi Morin en 2010, je constate qu’il y a 417 indemnisations accordées à des victimes des essais nucléaires en Polynésie et seulement 2 en Algérie : 1 en 2016, et encore à la suite d’une action en justice, et une deuxième en 2023. Rien ne justifie une telle différence, si ce n’est l’absence de volonté politique tout particulièrement du gouvernement français de négocier avec son homologue algérien pour une véritable reconnaissance et Justice vis-à-vis des conséquences des explosions réalises au Sahara entre 1960 et 1966. »

 

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