Ces dernières semaines à l’ONU (New York), une large majorité d’États a clairement dit non aux armes nucléaires à travers le vote de plusieurs résolutions. Malheureusement, la France continue de bloquer activement tout progrès en faveur du désarmement nucléaire et se place une fois encore à contrecourant de l’histoire.
Par Sylvie Brigot-Vilain, membre du comité de pilotage d’ICAN-France
Le 5 novembre 2015, 135 États ont approuvé la mise en place d’un Groupe de travail pour « avancer des négociations sur le désarmement nucléaire ». C’est un pas important pour sortir de l’impasse dans laquelle la Conférence du désarmement se trouve depuis 19 ans, une impasse confirmée cette année par l’échec de la Conférence d’examen du Traité de non-prolifération. Un échec qui a illustré la mainmise des États nucléaires sur les débats au sein du TNP, et leur activisme pour bloquer toute discussion ouverte et démocratique sur des mesures concrètes et efficaces pour nous éloigner de la menace d’une détonation d’armes nucléaires, pourtant une obligation pour les 191 États parties à ce traité. Une obligation historiquement portée par les Nations Unies qui, lors de leur première assemblée en 1946, adoptaient une résolution sur « l’élimination des armes nucléaires et des armes de destruction massive ».
Pas moins de 20 résolutions sur les armes nucléaires étaient inscrites à l’agenda de la 1ère Commission sur le désarmement et la sécurité internationale. Si beaucoup d’entre elles constituaient des mises à jour de textes précédemment votés, 5 nouvelles résolutions ont particulièrement attiré l’attention et largement contribué, par le soutien qu’elles ont reçu à renforcer l’urgence d’agir enfin concrètement pour un monde sans armes nucléaires. Un signe encourageant de la force croissante de l’approche humanitaire du désarmement nucléaire et de sa pertinence, alors que les tensions internationales refont surgir de manière glaçante les vieux démons de la guerre froide.
123 États ont rejoint l’Afrique du Sud, un pays qui a renoncé à son programme nucléaire en 1989, pour rappeler « l’impératif éthique que représente un monde sans armes nucléaires », qui constitue « un bien commun du plus grand ordre ». À l’encontre du discours prégnant des puissances nucléaires, dont la France, sur la sécurité que nous offrirait ces armes, près des deux tiers des États s’inquiètent qu’elles « diminuent la sécurité collective, augmentent le risque de catastrophe nucléaire, aggravent la tension internationale et rendent les conflits plus dangereux » et déclarent que « considérant leur nature indiscriminée, et leur potentiel à détruire l’humanité, les armes nucléaires sont par essence immorales ».
L’existence des risques croissants liés à la détention, et à la prolifération des armes nucléaires, et les conséquences humanitaires et environnementales catastrophiques que provoqueraient pour notre planète, la détonation accidentelle ou volontaire d’une arme nucléaire ont été largement (re)démontrés depuis trois ans lors des conférences sur l’impact humanitaire des armes nucléaires.
Elles ont conduit plus des deux tiers (128) des États membres des Nations Unies à confirmer, à New York, à travers « l’Engagement humanitaire » leur préoccupation au sujet de ces armes et leur exigence « d’une action urgente pour mettre fin à l’ère nucléaire ». Ce sera l’un des enjeux du Groupe de travail créé que de trouver un accord « sur la façon de parvenir à des mesures nouvelles et efficaces pour le désarmement nucléaire, y compris à travers de nouvelles normes juridiques », dans un processus ouvert, interactif, et inclusif, y compris pour la société civile. C’est sans doute la raison pour laquelle les États nucléaires, dont la France, ont si farouchement bataillé contre l’existence de ce Groupe, en repoussant le vote de cette résolution en prétextant des problématiques budgétaires. Des votes en 1ère Commission qui devraient être cependant confirmés sans problème par les votes à l’Assemblée Générale début décembre.
Ce processus démocratique invite tous les États membres des Nations Unies à participer au Groupe de travail en 2016 à Genève. Il n’y aura pas de droit de veto, chaque État pourra faire entendre sa voix. Un rapport sera présenté avec des recommandations à la prochaine Assemblée générale des Nations Unies en octobre 2016.
Il s’agit d’une opportunité forte pour faire exister une discussion concrète sur les mesures nouvelles et efficaces qui pourront enfin permettre de se rapprocher de l’interdiction des armes nucléaires. Une opportunité que saisiront les membres de la Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires pour informer et convaincre au niveau local, et global et faire ainsi croître le soutien à un monde libéré de ces armes.