Notre génération fait face à une multitude de défis urgents que nos parents et grands-parents n’auraient jamais imaginés : crise climatique, crise sociale, crise sécuritaire et crise nucléaire. L’urgence est à mener sur tous les fronts. Pourtant, il y en a une qui nous apparaît, nous jeunes tunisiennes, vitale : mettre un terme aux armes nucléaires !
Les Tunisiens ne peuvent imaginer que leurs villes soient la cible de puissances nucléaires. Nous avons la chance de vivre dans un État qui ne possède pas d’arme nucléaire. Membre du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires ainsi que du Traité de Pelindaba faisant du continent africain une zone exempte d’armes nucléaires, la Tunisie s’est montrée être un bon acteur de la scène internationale et africaine de la non-prolifération nucléaire (Voir le Temps, La Tunisie un nouveau pas vers le désarmement nucléaire, 21 Septembre 2018).
Cependant, malgré cet atout, nous sommes face à une réalité : comme vient ce 17 juin de le révéler le très renommé SIPRI (Institut international de recherche sur la paix de Stockholm) près de 2000 armes nucléaires sont en permanence prêtes à être utilisées par les États-Unis, la Russie, la France ou encore le Royaume-Uni. Les autres États (comme la Chine, Israël, le Pakistan, l’Inde et la Corée du Nord) n’ont quant à eux besoin que de quelques heures de préparation avant toute utilisation…
Cette réalité se traduit par le risque d’une détonation – accidentelle, volontaire ou malveillante – d’armes nucléaires quelque part dans le monde. Mais peu importe que cela soit chez nos voisins européens, en Asie, ou même en Amérique ; nous en subirons les conséquences humanitaires, climatiques, sécuritaires et économiques. Et c’est alors toute notre société qui sera pour toujours changée ! Ceci est une réalité et pas « une vue de l’esprit » comme le souligne le Comité international de la Croix-Rouge.
Alors que pouvons-nous, Tunisiens, faire ? Que peut faire notre gouvernement face à ces puissances nucléaires ?
Certaines d’entre nous, jeunes tunisiennes, avons pu participer avec ICAN ( la campagne internationale pour abolir les armes nucléaires, prix Nobel de la paix 2017) au troisième comité préparatoire (28 avril-10 mai) du Traité sur la non-prolifération nucléaire (TNP) qui s’est déroulé au siège de l’Organisation des Nations unies à New York. Cette conférence était essentielle pour le futur du TNP, que l’on nomme aussi la pierre angulaire du régime de non-prolifération nucléaire. En effet, nous avons rencontré, écouté, échangé avec les diplomates de tous les continents et eu l’honneur de rencontrer des survivants d’Hiroshima et de Nagasaki.
Nous sommes fières de voir que notre État dispose d’un pouvoir important, car il fait partie de ce que l’on nomme le Groupe Africain qui comprend 54 États du continent. Nous sommes unis ainsi par la force de nos idées, comme l’a affirmé dans le discours fait au nom de ce Groupe qui « appuie le principe du désarmement nucléaire complet » et « dans cet esprit se félicite de l’adoption historique du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, le 7 juillet 2017». Le Groupe « souligne que le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) ne porte pas atteinte au TNP, mais complète et renforce plutôt le régime de non-prolifération nucléaire » et « exhorte tous les États à soutenir le TIAN en signant et en ratifiant ce Traité à une date rapprochée.»
Le TIAN est un traité adopté le 7 juillet 2017 par une majorité des États de l’ONU, dont la Tunisie. Il rend enfin les armes nucléaires totalement illégales. C’était la pièce manquante du puzzle juridique international pour redonner à ces armes un statut d’armes de destruction massive et non d‘armes de prestige.
Pour nous, États sans armes nucléaires, notre seule solution, notre seule arme est de faire appliquer le droit. C’est notre seul et unique moyen de pouvoir influer sur la menace qui pèse sur nous de façon constante.
Ainsi, bien que la Tunisie soit signataire de cette déclaration du Groupe Africain et engagée en matière de désarmement, nous regrettons de voir quelle n’a pas encore signé et donc mis en œuvre le processus de ratification du TIAN. Cette attente de la signature est incompréhensible au vu des actions réalisées par notre diplomatie ces dernières années (participation aux conférences humanitaires), de ce récent discours et enfin des paroles positives échangées à l’ONU avec un diplomate de notre ministère des Affaires étrangères.
Attendre et ne rien faire est la pire des solutions. Croire que notre voix ne pèse pas dans ce monde du 21e siècle serait réduire notre culture et notre histoire à néant. Nous engageons ainsi notre gouvernement à agir immédiatement pour protéger notre territoire, nos générations en signant le Traité d’interdiction des armes nucléaires.
Cette Tribune a été publié le 21 juin 2019 dans le Huffington Post Maghreb et signée par Amel El Mejri, Mariem Oueslati, Lobna Bachta, Sirine Barbirou, Aziza hanafi, Nour El Imen Gharbi, Oumayma Jabnouni, étudiantes Tunisiennes, participantes 2018 de la ICAN Académie Francophone. Une action qui a pu être réalisée avec le soutien de la Heinrich–Böll–Stiftung