Communiqué de presse
La deuxième session du Comité préparatoire à la onzième Conférence d’examen du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) s’est achevée sans consensus sur un document final, portant un nouveau coup dur au processus de ce traité et à la sécurité mondiale. Ces échecs, répétitifs depuis 2015, sont de la responsabilité des puissances nucléaires. Alors que ces 6 et 9 août 2024 sera commémoré le 79e anniversaire des bombardements nucléaires des villes japonaises d’Hiroshima et de Nagasaki (1945), il serait temps que les États nucléaires « responsables » se souviennent que deux bombes atomiques ont tué, en quelques secondes et jours, près de 240 000 civils, dont 38 000 enfants selon un nouveau rapport de ICAN International.
En 1968, face aux risques de la prolifération nucléaire, les États ont négocié le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP), et décidé d’agir pour mettre en œuvre le désarmement nucléaire. Alors que le contexte international en 2024, rend le risque d’utilisation d’armes nucléaires depuis les événements de Cuba (1962) encore plus élevé, tout indique que les dirigeants des puissances nucléaires ont oublié leur engagement.
Quinze jours de discours (22 juillet – 2 août, ONU, Genève), de rencontres diplomatiques, d’échanges sur les trois piliers (désarmement, non-prolifération, usage pacifique de l’énergie nucléaire) de ce traité, qualifié de « pierre angulaire » du régime de non-prolifération, ont été ainsi réduits à néant sous la pression des 5 États dotés d’armes nucléaires : États-Unis, Russie, Royaume-Uni, France et Chine.
Les États dotés acteurs de l’échec du TNP
En effet, alors qu’une première version d’un rapport final emportait une large approbation des États parties au TNP, les 5 États dotés sont arrivés à obtenir une version « dégradée » ou les rappels liés à leurs obligations d’agir pour le désarmement nucléaire sont bien plus mesurés.
Ces 5 États, et leurs complices, les États sous parapluie nucléaire, ont manqué de sérieux en ce qui concerne le pilier du désarmement nucléaire. Il ne suffit pas comme l’a mentionné la diplomatie française d’être « mue par l’objectif ultime d’un monde exempt d’armes nucléaires », encore faut-il mettre en correspondance les pensées et les actes. Ainsi, chaque puissance nucléaire a reproché à l’autre ce qu’il réalise lui-même : l’accroissement de son arsenal (réalisée par la Chine et le Royaume-Uni, et évoqué de plus en plus par les États-Unis) ; la modernisation des arsenaux (c’est le cas des 5) ; l’absence de transparence (Chine, Russie) ; ou encore les politiques de partage nucléaire (Russie avec la Biélorussie et les États-Unis à travers l’Otan).
À la lecture de leur politique nationale de défense, ces 5 États ne défendent in fine qu’un seul objectif, celui de pérenniser leur force nucléaire. D’ailleurs, ils ne considèrent possible le désarmement nucléaire, comme ne cesse de le souligner la France, que dans « le respect du principe de sécurité non diminuée pour tous ». Un « élément de langage » qui interroge car, d’une part, il ne prend pas en compte les craintes de cette insécurité nucléaire vécue par le reste du monde et, d’autre part, il ne signifie rien d’autre que de conserver pour toujours la dissuasion nucléaire – soit la menace d’emploi d’arme nucléaire – comme système de « sécurité ».
Le P5 confronté aux États non-nucléaires
Comme d’habitude, les seuls points positifs du comité préparatoire sont venus de la société civile et des États parties au Traité de non-prolifération, qui font preuve d’un engagement « de bonne foi » pour agir dans la mise en œuvre du désarmement nucléaire. Ces États (groupe des non-alignés, pays arabe, membres du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires) ont en particulier créé des pressions sur les supporters de la dissuasion en les interpellant sur :
- leur responsabilité à respecter leur engagement relatif au désarmement nucléaire sur lequel ils se sont mis d’accord en ratifiant le TNP, mais aussi lors des conférences d’examen validant des plans d’action précis en 1995, 2000 et 2010 ;
- la question du partage des armes nucléaires a été fréquemment soulevée, tant auprès des États-Unis et de la Russie pour qu’ils retirent leurs armes nucléaires des États non-nucléaires d’Europe (Allemagne, Belgique, Biélorussie, Italie, Pays-Bas, Turquie) et qu’ils cessent de former du personnel militaire à leur utilisation ;
- la notion de justice nucléaire qui implique la nécessité d’agir pour aider les victimes des essais d’armes nucléaires et pour réhabiliter (dans la mesure du possible) l’environnement.
Si cette session s’est achevée sans document final, la présidence Kazakhstanaise devant transformer le rapport « dégradéé » en un document de travail, cela ne veut pas dire que les promoteurs du désarmement et en particulier ceux qui s’inquiètent des conséquences humanitaires catastrophiques des armes nucléaires n’ont pas marqué de point.
La Justice nucléaire
Par exemple, depuis l’entrée en vigueur du TIAN (en 2021), des États organisent des événements, en parallèle des sessions de négociations, pour éduquer sur les dangers des armes nucléaires et sur leur impact auprès des populations. À ce titre de nombreux États de l’Otan (comme l’Allemagne, la Norvège, le Canada) y prennent part, démontrant un changement d’attitude. D’autre part, au vu de la réaction de la France à l’encontre du TIAN, comme sur la notion de justice nucléaire – de manière plus subtile –, tout démontre que la dynamique créée sur l’assistance aux victimes lui déplaît comme aux autres puissances nucléaires. Il est vrai qu’il n’est jamais positif de se voir pointer du doigt comme responsable à la fois de l’absence d’action pour aider pleinement les victimes et en même temps potentiel responsable de futures victimes.
Enfin, de nombreux processus en cours pour faire pression sur les États nucléaires ont été rappelés, montrant là aussi un large soutien (même d’États membres de l’Otan comme l’Allemagne, le Canada,), que cela soit à travers le vote de la résolution 78/240 « Le lourd héritage des armes nucléaires » adoptée en première commission (22 décembre 2023) à une écrasante majorité de 171 voix (votée négativement par Paris, Londres, Moscou et Pyongyang) ou la résolution 51/35 « Assistance technique et renforcement des capacités pour faire face aux incidences sur les droits de l’homme des essais nucléaires menés dans les Îles Marshall » (7 octobre 2022) au Conseil des droits de l’homme.
La troisième réunion des États parties au TNP, qui se tiendra à New York en mai 2025, sera une nouvelle réunion clé dans le calendrier du désarmement nucléaire. Elle aura été précédée (en mars) de la troisième réunion des États parties (3MSP) au TIAN. À ce titre les États parties et États signataires (97 États au total au 1er août 2024) ont réaffirmé en conclusion de cette session du TNP que « la mise en place d’un régime juridiquement contraignant d’interdiction des armes nucléaires, tel qu’il figure dans TIAN, est une mesure nécessaire et efficace pour prévenir une nouvelle course aux armements nucléaires et parvenir au désarmement nucléaire. L’interdiction constitue une étape fondamentale vers l’élimination irréversible, vérifiable et transparente des armes nucléaires, nécessaire pour instaurer et maintenir un monde exempt d’armes nucléaires, en application de l’article VI du TNP et conformément aux principes et aux objectifs de la Charte des Nations unies et au droit humanitaire international. »