Tribune – « Nos banques doivent cesser de financer les arsenaux nucléaires »

L’argent est le nerf de la guerre, et le président Macron l’a bien compris en ordonnant aux acteurs privés, le 7 février 2020 dans son discours sur la dissuasion, de rejeter les règles du traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN). Complétant le traité de non-prolifération, le TIAN, qui est en vigueur depuis le 22 janvier 2021, compte, parmi ses nombreuses règles, l’interdiction de financer (article 1er) les entreprises apportant une contribution substantielle à la production des systèmes (vecteurs) et équipements associés aux armes nucléaires. Cette logique juridique se fonde sur la volonté d’assurer l’interdiction de la production (article 1a) de ces armes, en la privant de moyens financiers. Le désinvestissement est donc un élément clé du traité ; tout comme il est inscrit dans les traités interdisant les mines antipersonnel et les armes à sous-munitions.

Le rôle des banques est réel dans la poursuite de l’existence des armes nucléaires. Sur la période 2017-2019, près de 30milliards d’euros ont ainsi été investis (en particulier par BNP Paribas, la Société générale, le Crédit agricole, le Crédit mutuel…) dans des entreprises principalement françaises (Safran, Thales, Naval Group…) et occidentales (Airbus Group, Northrop Grumman, BAE Systems, ThyssenKrupp…). Des entreprises qui assurent la pérennité des politiques de dissuasion de Paris, Londres, Washington, Tel-Aviv comme de New Delhi.

Ces banques abordent un double langage typique du greenwashing. D’un côté, elles prétendent appliquer une politique d’interdiction et être conscientes du caractère dangereux de ces armes en les qualifiant de ‘controversées’, de ‘destruction massive’ ou ‘d’armes sensibles’ ; et en même temps, elles investissent – pour des profits substantiels – dans une industrie dont l’objectif n’est pas de créer de la richesse, mais une perspective de destruction. Un non-sens économique. Notons également que toutes réinterprètent à leur manière le TNP. Décidément, le droit international n’est pas leur fort.

Si ces institutions veulent respecter le droit, combattre la prolifération, montrer une image vertueuse et honorer leurs engagements internationaux (principes de l’Equateur, objectifs de développement durable…) liés aux droits de l’homme et à la protection de l’environnement, elles doivent inscrire le TIAN dans leur réglementation et engager une politique d’exclusion sur tous les produits financiers relatifs aux armes nucléaires ; à l’image de ce que la banque belge KBC a réalisé.

Une certitude, cette « finance radioactive » va être de plus en plus rejetée par leur clientèle, en raison de nos actions d’information et du souhait de cette dernière d’investir dans des fonds éthiques et durables. »

Publiée dans Le Journal du Dimanche, 25 septembre 2021

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