L’éducation au désarmement nucléaire : Fruit de l’évolution et germe de révolution

« Chaque homme, chaque femme, chaque enfant vit sous une épée de Damoclès nucléaire suspendue à un fil qui peut être coupé à tout moment par accident, erreur de calcul ou geste de folie. Les armes de guerre doivent être abolies avant qu’elles ne nous abolissent. »
 John F. Kennedy, 25 septembre 1961, discours à l’Assemblée générale des Nations unies

Malgré une évolution de la conscience collective sur le danger des armes de destruction massive, je crois qu’une éducation au désarmement nucléaire est plus que nécessaire pour éveiller la société civile sur les dangers d’une guerre nucléaire.

Le fruit d’une évolution de mentalités

Notre ignorance sur les armes nucléaires nous aveugle et nous laisse tolérer des actes et réactions que la connaissance nous aurait épargné.

Les tirs des Etats-Unis sur les villes d’Hiroshima et Nagasaki ne peuvent être vues comme des actes licites et légitimes. En effet, les armes nucléaires mettent en péril des milliers de vies humaines, et ne font aucune distinction entre les militaires et les populations civiles. Les arsenaux nucléaires portent ainsi atteinte à plusieurs droits humains dont le droit à la vie et la dignité de la personne humaine. Sachant que le préambule de la Charte des Nations unies de 1945 invoque la foi des États dans « les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l’égalité des droits des hommes et des femmes, ainsi que des nations, grandes et petites ». Sur ce constat, tous les États membres de l’ONU devraient ratifier le traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN).

Chaque année au Japon, et à travers le monde, il y a un effort dans la volonté de commémorer les 200 000 victimes qui ont péri. Au delà d’un rappel historique, ces commémorations sont importantes, puisqu’elles nous éduquent et doivent permettre aux États d’avoir des politiques de défense adéquates pour épargner les générations futures du fléau d’une guerre nucléaire. Depuis 2016, le collectif Abolition des armes nucléaires – Maison de vigilance, en partenariat avec ICAN France, organise un jeûne politique à Dijon de 4 jours pour informer et sensibiliser l’opinion publique, afin que celle-ci exerce une pression sur les décideurs. Ce jeûne-action est une action de contestation de la pensée dominante qui tend à légitimer la politique de dissuasion, que j’aperçois comme une sorte de “torture morale” des États nucléaires envers les États non-dotés

Par ailleurs, ICAN France a mis en place des “Tournées des facs”, et autres programmes d’actions pour les jeunes, afin d’aborder le sujet du désarmement, pour les sensibiliser et faire appel à leurs esprits critiques sur la dissuasion nucléaire. Suivant cette logique éducative, la préfecture d’Hiroshima met en place la Hiroshima-ICAN Academy (en 2019 et en 2020) pour former des étudiants et jeunes professionnels sur l’influence du désarmement nucléaire dans le maintien de la sécurité internationale.

Le germe d’une révolution de la société civile

L’éveil de conscience encouragé par l’éducation au désarmement nucléaire sera sans aucun doute à l’origine d’une révolution intellectuelle qui fera pression aux décideurs du monde. Pour transformer ainsi les mentalités, les ONG et autres organismes ont besoin d’une meilleure audience. Il faut un investissement public au niveau national et international. De mon point de vue, le ministère de l’éducation national et de la jeunesse devrait se saisir de la question en abordant différemment les bombardements des villes d’Hiroshima et Nagasaki dans le programme d’Histoire dans les Collèges et Lycées. De plus, cette action ne ferait que respecter les différentes résolutions sur “l’éducation au désarmement”, que la France a soutenue ces dernières années

Une éducation au désarmement nucléaire faciliterait l’appréhension des barbaries nucléaires non pas, comme des “simples » faits historiques, mais telles qu’elles sont réellement, à savoir des crimes massif contre les populations civiles. Il faudrait également vulgariser la parole sur le sujet de l’armement nucléaire afin de mettre à nu les conséquences humanitaires et les destructions environnementales occasionnées (surtout à l’heure ou on parle d’Écocide) par l’entretien et l’existence de ces armes.

Une éducation au désarmement nucléaire alerterait la population sur les décisions méconnues prises par l’État en matière de politique internationale. Je suis convaincue qu’une plus grande connaissance du sujet, aurait créé une interrogation dans la population française sur la pertinence de la réalisation, par les Forces Aériennes Stratégiques, d’un exercice de simulation de frappe nucléaire le 31 mars 2020 en pleine crise sanitaire !

La finalité de cette campagne de sensibilisation par l’éducation est de parvenir à l’abolition des armes nucléaires. Bien que les États nucléaires ne cessent de moderniser leurs arsenaux, la Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires, avec l’aide de tous ses partenaires ne cessent de multiplier des victoires, qu’il ne faut pas manquer de célébrer. Après l’interdiction des armes bactériologiques et chimiques, aujourd’hui un processus de désarmement est mis en place avec le traité sur l’interdiction des armes nucléaires ; celui-ci deviendra effectif à la 50e ratification. Une révolution de l’opinion publique, cristallisée par une réelle connaissance du désarmement nucléaire, permettrait sans aucun doute de faire basculer en faveur de ce traité des acteurs politiques, pour vivre enfin dans un monde plus pacifique.

 

Manassé Bokole Iseka, manasse.bokole(@)gmail.com Diplômée d’une licence de droit à l’Université de Paris-Saclay, elle envisage de poursuivre ses études supérieures en droit international. C’est lors de son parcours académique qu’elle développe un vif intérêt pour les questions liées à la sécurité collective et l’énergie nucléaire. Cet engouement s’est conforté par une rencontre avec le collectif Abolition des armes nucléaires – Maison de vigilance, membre d’ICAN France dont elle est adhérente depuis avril 2019. Également intéressée par les droits de l’enfant, elle a participé à plusieurs projets de parrainage de mineurs protégés avec le Réseau Education Sans Frontières et milite pour les droits de l’enfant comme jeune ambassadrice auprès de l’UNICEF France.

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