La France « boude » la Conférence de Vienne sur l’impact humanitaire des armes nucléaires

Démontrant le soutien massif de la communauté internationale, des représentants de plus de 150 États se réunissent les 8 et 9 décembre à Vienne, en Autriche, pour la troisième Conférence internationale sur les conséquences humanitaires des armes nucléaires. Les États-Unis et le Royaume-Uni seront présents, contrairement à la France qui fait le choix de s’isoler de la communauté internationale.

« La stratégie de la France de miser sur un essoufflement de cette approche nouvelle, la dimension humanitaire du désarmement nucléaire, n’a donc pas fonctionné ! » souligne Jean-Marie Collin, membre d’ICAN en France. « Malgré nos rencontres avec les conseillers stratégiques du ministre des Affaires étrangères et de l’Élysée, il est regrettable que la France reste sur des positions fermées et boude cette conférence. Elle renforce ainsi son image d’État hostile à toute réflexion et action en faveur du désarmement nucléaire et donc de la sécurité mondiale. »

En amont de cette Conférence gouvernementale, plus de 500 militants se sont réunis les 6 et 7 décembre — dont une délégation de 23 Français — dans le plus grand rassemblement de la société civile jamais réalisé en faveur d’un traité d’interdiction les armes nucléaires.

« Nous n’avons jamais été aussi proches de l’ouverture de négociations sur un traité interdisant les armes nucléaires », a déclaré Beatrice Fihn, directrice exécutive de la Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires, « Nous sommes convaincus que les gouvernements trouveront le courage de se lancer dans un processus diplomatique pour développer ce nouveau traité international d’interdiction des armes nucléaires. »

Les précédentes conférences de ce processus qui ont eu lieu en Norvège et au Mexique ont conclu qu’il ne pourrait y avoir aucune réponse adéquate si une ou plusieurs armes nucléaires étaient utilisées, que ce soit intentionnellement ou par accident.

Ces discussions internationales ont permis un recadrage collectif qui a fondamentalement changé la façon dont les armes nucléaires sont abordées à l’échelle internationale.

La réunion de Vienne sera la première conférence intergouvernementale à donner la parole aux survivants des essais nucléaires, qui témoigneront des effets à long terme des explosions nucléaires sur la santé humaine. Vienne sera également la première occasion pour les États de traiter de la question du vide juridique du droit international : en effet, les armes nucléaires sont les seules armes de destruction massive à ne pas être soumises à un traité d’interdiction.

« Les preuves à charge présentées jusqu’ici au cours de ce processus ont été écrasantes. L’impact des armes nucléaires est encore pire que ce que nous croyions auparavant et le risque de leur utilisation est encore plus grand que ce que les gouvernements veulent bien admettre », a déclaré Thomas Nash, un représentant d’ICAN, directeur d’une ONG britannique d’alerte sur les armes, Article 36. « Nous attendons que les États prennent leurs responsabilités face à ces dangers en lançant un processus vers une interdiction des armes nucléaires à l’occasion du 70e anniversaire des bombardements atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki en août prochain », a-t-il ajouté.

Sur les 150 États qui participeront à la conférence de Vienne, des États dotés d’armes nucléaires comme le Royaume-Uni et les États-Unis qui avaient boycotté les précédentes conférences, seront présents aux côtés de l’Inde et du Pakistan. « Même les États qui qualifiaient ces conférences de “distraction” il y a seulement quelques mois ont changé d’avis et vont venir à Vienne pour discuter des conséquences inacceptables de leurs armes nucléaires. Personne ne peut désormais ignorer cette initiative humanitaire sur les armes nucléaires. À l’avenir, cela doit être le point de départ de toutes les discussions concernant les armes nucléaires », a déclaré Ray Acheson d’ICAN et la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté.

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La Conférence de Vienne est la dernière étape d’un processus qui a changé la façon dont les armes nucléaires sont abordées dans le débat international. Depuis 2010, lorsque les États parties au Traité de non-prolifération ont reconnu « les conséquences humanitaires catastrophiques de toute utilisation d’armes nucléaires », un nouveau récit a émergé dans lequel les effets réels de ces armes sont la base de nouveaux efforts pour agir en faveur du désarmement. Le mouvement de la Croix-Rouge, les organismes de secours des Nations Unies, la société civile et la majorité des nations du monde ont souscrit à cette initiative humanitaire.

En octobre, 155 États se sont joints à la déclaration de la Nouvelle-Zélande auprès des Nations Unies, notant que « les conséquences catastrophiques d’armes nucléaires doivent sous-tendre toutes les approches et les efforts en faveur du désarmement nucléaire ».

Parmi les représentants de la société civile qui s’exprimeront lors de la Conférence à Vienne, la
survivante (« Hibakusha ») de la bombe d’Hiroshima, Mme Setsuko Thurlow, et pour la première fois, plusieurs survivants d’essais atomiques comme M. Karipbek Kuyukov, fourniront leur témoignage sur l’expérience des survivants d’une exposition nucléaire. L’auteur renommé de Command and control, Eric Schlosser et l’ancien officier de l’armée des États-Unis Bruce Blair, aborderont les risques de détonation accidentelle d’armes nucléaires. Camille François de la Harvard Law School va discuter des difficultés de la sécurisation des installations nucléaires face aux cybermenaces. Le président du CICR, M. Peter Mauer, et le Ministre autrichien des Affaires étrangères, M. Sebastian Kurz, évoqueront l’impact humanitaire des armes nucléaires.

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