Le 22 avril, “Jour de la Terre”, est devenu une date clé pour les acteurs de la protection de la planète. Tandis que l’environnement devient une priorité mondiale et que des politiques écologiques sont mises en place – avec plus ou moins de succès ; la course aux armements, elle, s’intensifie. Souvent oubliées dans les luttes environnementales, les armes nucléaires représentent pourtant, depuis 1945, un danger majeur. Tant que des États seront dotés de cette arme de destruction massive, toute politique de respect de l’environnement et de la biodiversité ne sera que partiellement effective. Il est temps que chacun en prenne pleinement conscience.
La journée de la Terre, créée aux États-Unis en 1970, est célébrée à travers le monde à partir des années 1990. Depuis, le 22 avril est l’occasion de sensibiliser les populations aux problèmes affectant notre planète, ce qui a permis d’instituer de nombreuses politiques environnementales. Les émissions de gaz à effet de serre sont aujourd’hui taxées, le plastique est de plus en plus réduit de notre consommation, des conférences internationales sur le climat sont régulièrement tenues… En 2015, une déclaration universelle des droits de l’humanité, portée par le président Hollande et garantissant des droits et des devoirs pour protéger la Terre, a même été établie. Elle fut finalement écartée car son adoption aurait pu affecter la politique de dissuasion nucléaire de la France. Et oui la Bombe et la protection de l’environnement ne font pas bon ménage !
Il est aujourd’hui plus urgent que jamais d’agir en faveur d’un environnement sain et d’un monde sans armes nucléaires. Notre propre survie en dépend. En 2021, les aiguilles de l’horloge de l’apocalypse (Doomsday Clock) sont placées à 100 secondes de minuit. Cette horloge symbolique sur laquelle minuit représente la fin du monde, énonce deux principales raisons à cette proximité de l’apocalypse : les armes nucléaires et le changement climatique. Deux menaces mondiales étroitement liées.
La production, la modernisation et le renouvellement des arsenaux nucléaires représentent un coût environnemental considérable (à travers l’utilisation de ressources, la création de déchets nucléaires…). En outre, la détonation, même d’une de ces armes, rendrait ce coût incalculable. En 1945, à Hiroshima, au Japon, ce sont 13 km2 qui ont été détruits instantanément ; la radioactivité contaminant ce territoire et enlevant la vie à plusieurs centaines de milliers de personnes. Dans le sud algérien, à Reggane et In ekker, ce sont plusieurs milliers de km2 qui ont aussi été contaminés par les essais nucléaires français, tenus entre 1960 et 1967. Dans ces zones, comme en Polynésie, au Kazakhstan, et dans de nombreuses autres, la radioactivité menace toujours l’environnement et les populations.
Au-delà de la persistance de ses conséquences, les effets de l’arme nucléaire demeurent géographiquement incontrôlables. En cas de guerre nucléaire, les États ciblés ne seraient pas les seuls à en subir les destructions. C’est ce que démontre l’étude du Dr. Ira Helfand (2013). D’après ses conclusions, une guerre nucléaire indo-pakistanaise aurait des conséquences importantes à l’échelle mondiale. Il affirme que « même une guerre nucléaire “limitée”, impliquant moins de 0,5% de l’arsenal nucléaire mondial [équivalent à l’arsenal de l’Inde et du Pakistan], suffirait à provoquer une perturbation catastrophique du climat mondial et une famine planétaire ». Une attaque nucléaire conduirait à un refroidissement global de la Terre. Ainsi, seulement 100 bombes suffiraient à faire chuter les températures mondiales de 1,3°C pendant plusieurs années. Ce changement climatique brusque, additionné à la contamination de nombreuses zones, aurait des conséquences dramatiques sur l’environnement et la survie de l’humanité.
L’adoption en 2017 du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN), entré en vigueur le 22 janvier dernier, témoigne de la volonté d’une majorité des États d’en finir avec l’arme nucléaire et de ses conséquences. Ce traité historique pose une interdiction générale et complète de cette arme de destruction massive. Selon son article 1, il est interdit d’employer, de menacer d’employer, de mettre au point, de produire, de mettre à l’essai et de stocker l’arme nucléaire, mais aussi d’aider, d’encourager ou d’inciter à réaliser l’une de ces activités.
Si ce traité est historique, c’est aussi parce qu’il englobe la réparation environnementale à travers ses articles 6 et 7, qui imposent la « remise en état de l’environnement » ; une sorte d’application du principe du « pollueur-payeur ». Allant plus loin que les traités existants, le TIAN prévoit aussi, explicitement, la protection des « générations actuelles et futures » (préambule du traité). Une disposition qui répond aux craintes de la génération Y, se préparant à vivre une attaque nucléaire dans les années à venir.
La France, qui se veut championne de la protection environnementale, réalise dans le même temps une politique de dissuasion nucléaire. En 2021, 5 milliards d’euros auront été consacrés à la préparation et la mise en condition opérationnelle de près de 300 armes nucléaires ! C’est cette même politique qui la pousse à rejeter le TIAN et à contredire l’ensemble de ses politiques environnementales et écologiques.
La prochaine conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP 26) se tiendra en novembre 2021 à Glasgow, au Royaume-Uni. Cette conférence est une opportunité de sensibiliser les gouvernements et les populations aux enjeux environnementaux de l’arme nucléaire. Devant l’accélération de la course aux armements, intégrer la dimension nucléaire militaire aux discussions environnementales doit se faire sans délai.
Inès Lopes, est étudiante à l’Université Grenoble-Alpes, Master 2 mention Sécurité Internationale et Défense, avec une spécialisation en Droit international humanitaire, désarmement et maîtrise des armements. Elle réalise un stage au sein de ICAN France (second trimestre 2021).
Ce texte fait partie du projet « Génération Y : on vous écoute » lancé le 18 mai 2020 par ICAN France.