À MM. Louis Dreyfus, directeur de la publication du Monde et Marc Semo, journaliste.
Vous avez réalisé un live pour évoquer la remise du prix Nobel de la paix 2017 à la campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires (ICAN), dont nous représentons la branche française. Nous nous réjouissons que ce prix, et par là le travail des associations et individus participant à cette campagne soient évoqués en bonne place dans le journal de référence qu’est le Monde, mais il nous semble important de répondre à certaines critiques formulées à l’égard d’ICAN et du Traité d’interdiction des armes nucléaires par le journaliste ayant mené le tchat, Marc Semo.
D’abord, M. Semo souligne que « face aux dangers de la prolifération rappelés par la Corée du Nord, la possession de l’arme nucléaire ou la garantie d’être protégé par celle de Washington reste essentielle ». Cette affirmation est fausse pour la très grande majorité des États du monde qui ne conçoivent pas leur sécurité en terme d’armes nucléaires, 122 d’entre eux l’ont explicitement affirmé en adoptant le traité d’interdiction des armes nucléaires en juillet 2017. Remarquons au passage que ce genre de remarques est un encouragement assez malvenu à la prolifération nucléaire, « il n’y a pas de bonnes mains pour ces armes inacceptables » comme le disait Ban Ki-Moon, l’ancien secrétaire général des Nations unies, pas plus celles de Kim Jong-Un que de Donald Trump ou d’Emmanuel Macron.
Ensuite, M. Semo formule à plusieurs reprise des critiques quant à l’efficacité du Traité d’interdiction des armes nucléaires. Admettons d’emblée qu’ils nous est impossible de connaître l’impact exact que ce traité aura, mais qu’il existe de bonnes raisons d’être optimiste. D’abord, la très virulente opposition des États possédant des armes nucléaires au processus d’interdiction montrent qu’eux-même sont très inquiets des impacts potentiels de ce traité sur leurs pratiques. En outre, comme M. Semo le rappelle très justement, ICAN s’inscrit dans la lignée d’autres campagnes de désarmement ayant eu pour but la stigmatisation d’une catégorie d’arme. Cette approche a montré son efficacité pour les mines antipersonnel et les armes à sous-munitions. Aujourd’hui, des États n’ayant pas signé les traités interdisant ces armes se refusent quand même à les utiliser pour ne pas subir l’opprobre international. M. Semo a raison d’indiquer que les armes nucléaires sont différentes, « un élément central dans la stratégie des pays qui [les] possèdent », mais cela ne nous paraît pas être suffisant pour en déduire l’inefficacité du traité, tout au plus que le chemin a parcourir jusqu’à leur interdiction pourra être plus long.
Enfin, quand il affirme que « l’équilibre de la terreur a fonctionné », il nous semble commettre une faute de logique. Il n’y a certes pas eu de guerre entre puissances nucléaires depuis 1945, mais il n’y a pas eu de chutes massives de météorites non plus, doit on en déduire qu’elles ont elles aussi été dissuadées ? D’autant que l’on peut avancer d’autres hypothèses pour expliquer cette période de paix relative, 1945 a été l’année des bombardements barbares d’Hiroshima et Nagasaki mais également celle de la création de l’ONU. Les irréductibles optimistes en nous considèrent que ces initiatives et les mécanismes de résolution pacifique des conflits sont non seulement plus moraux, mais également plus efficaces et plus pérennes pour assurer la sécurité de l’humanité que la menace permanente de détruire des villes entières et d’incinérer des centaines de milliers de civils.
Le comité d’animation d’ICAN France.