Combien d’avions et autres engins militaires contaminés par la radioactivité, la France a-t-elle volontairement enterré dans les sables du Sahara ? Combien de tonnes de déchets hautement radioactifs sont enfouis au cœur de la montagne du Tan Afella ? Pendant combien d’années encore les générations actuelles et futures, comme l’environnement vont-ils souffrir de cette pollution ? La question reste entière 61 ans après le premier essai nucléaire français au Sahara algérien. Nous demandons, une nouvelle fois, que la France regarde en face son héritage radiologique, prenne en charge les conséquences sanitaires et environnementales et agisse pour la sécurité de tous.
Le 13 février 1960, la France réalisait son premier essai nucléaire, suivi de 16 autres jusqu’au 16 février 1966. La radioactivité générée, les déchets enterrés volontairement ou cachés, comme nous le révélions le 27 août 2020 dans une étude* — réalisée par ICAN France et l’Observatoire des armements —, pèse toujours, au vu de l’importance des conséquences humanitaires et environnementales, dans les relations franco-algériennes.
- Septembre 2020, les députés François-Michel Lambert (Libertés et Territoires), Jean-Paul Lecoq (GDR), Sébastien Nadot (non-inscrit), Aurélien Taché, (non-inscrit) ont déposé des questions écrites demandant de « publier les zones où ces déchets ont été enterrés afin de mettre un terme aux dangers que court les générations actuelles et futures dans ces zones ». Le ministère des Armées a répondu sans apporter aucune précision sur les déchets.
- 21 octobre 2020, la ministre de l’Environnement Barbara Pompili, dans une audition publique, en réponse à l’interpellation de la députée Mathilde Panot, a indiqué qu’elle allait se renseigner sur cette problématique des déchets laissés en Algérie. Qu’en est-il ?
- 20 janvier 2021, l’historien Benjamin Stora a remis au président Macron, son rapport sur la réconciliation mémorielle entre la France et l’Algérie dans lequel il reprend certaines de nos recommandations à propos des déchets et des essais nucléaires.
Le « passé nucléaire » ne doit plus rester profondément enfoui dans les sables. Comme leurs prédécesseurs, le président Emmanuel Macron et ses ministres seront coupables aux yeux de l’histoire s’ils n’agissent pas. À eux d’agir et de prendre des initiatives en direction des autorités algériennes pour une prise en charge des victimes et une réhabilitation de l’environnement !
Rappel de quelques données
17 essais nucléaires, entre le 13 février 1960 et le 16 février 1966, dont :
- 4 atmosphériques, laissant sur le sol des fragments noirs de sable vitrifié ;
- 13 souterrains, dont 4 (Béryl, Améthyste, Rubis, Jade) provoqueront une diffusion massive dans l’atmosphère de gaz et de roches radioactives.
363 personnes ont bénéficié en dix ans d’existence de la loi de reconnaissance et d’indemnisation des victimes des essais nucléaires français, adoptée le 5 janvier 2010. Un chiffre ridicule au regard des dizaines de milliers de personnes qui ont participé et aux populations qui ont subi les 210 essais réalisés par la France entre 1960 et 1996 en Algérie et en Polynésie ! Soit : 1 seule indemnisation a été accordée à une personne habitant en Algérie, 63 à des personnes résidant en Polynésie et 299 à des membres du personnel civil ou militaire.
Citations
Pour Patrice BOUVERET, directeur de l’Observatoire des armements, porte-parole de ICAN France, « à la différence de ce qui s’est passé en Polynésie, il est frappant de constater à quel point les conséquences environnementales et sanitaires des essais nucléaires en Algérie ont été largement passées sous silence par les autorités françaises. La principale raison dépasse me semble-t-il le cadre des relations entre les deux pays. Elle se trouve dans la difficulté de l’État à reconnaître qu’il a mis sciemment en danger la population. De plus, la loi du 15 juillet 2008 bloquant l’accès aux archives liées au nucléaire, nous prive des sources qui renforceraient la sécurité des populations vivant proche des sites d’essais ».
Pour Jean-Marie COLLIN, expert et porte-parole de ICAN France, « nous avons identifié des déchets non radioactifs, du matériel contaminé par la radioactivité volontairement enterrés et des matières radioactives issues des explosions nucléaires. Ces déchets sont de la responsabilité de la France et aujourd’hui du président Macron. Il n’est plus possible que ce gouvernement attende encore pour remettre aux autorités algériennes la liste complète des emplacements où ils ont été enfouis. Pourquoi continuer de faire peser sur ces populations des risques sanitaires, transgénérationnels et environnementaux ? ».
*Étude : Sous le sable, la radioactivité ! Les déchets des essais nucléaires français en Algérie. Analyse au regard du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, étude de l’Observatoire des armements et de ICAN France (campagne internationale pour abolir les armes nucléaires), publiée par la Fondation Heinrich Böll, 2020.