« Mon enfant devint raide, comme un bâton »

Toimata a quatre enfants survivants. Pendant que son mari travaillait à Moruroa, elle a eu six autres bébés qui sont morts.

 

« Notre première enfant est née en 1975. Elle a toujours l’air malade, avec une toux chronique et des maux d’estomac, mais elle va à ‘école et sa scolarité est bonne. Le second enfant est né prématurément à sept mois  et demi et il est mort le jour de sa naissance.

Le troisième bébé est né à terme et à la maison, mais il est mort au bout de deux semaines. Elle avait u problème de peau: sa peau partait en lambeaux dès qu’on la touchait. Les médecins disaient que l’enfant allait bien mais le contraire était évident . Personne ne savait à quoi était dû son état.

Le quatrième enfant, Eugène, est également né à terme mais il mourut aussi à deux mois. Il avait la diarrhée et nous l’avons envoyé à Mamao, l’hôpital civil de Tahiti. La diarrhée a continué quelques temps et lorsqu’elle a cessé, le bébé est devenu rigide, comme un bâton. Toutes les parties de son corps étaient agitées par des contractions musculaires continuelles et ils avait une forte fièvre. Il était impossible d’ouvrir ses poings. Les médecins refusaient de parler de son état. Il resta à Mamao pendant deux semaines, puis il mourut.

Les médecins nous ont dit de ne rien raconter et ont refusé de remplir son certificat de décès. Or sans certificat de décès, il était impossible d’enterrer  le bébé. C’est pourquoi j’ai supplié les médecins. Ils m’ont dit d’aller chez mon médecin de famille pour qu’il me remplisse le certificat. Les infirmières de l’hôpital m’ont dit de répondre, au cas où il aurait des questions, que mon bébé était mort en route et non pas à l’hôpital. A la fin j’ai du céder et j’ai demandé à mon médecin de famille de remplir le certificat de décès pour qu’on puisse enterrer mon bébé. Je n’ai aucune idée des raisons de cela et pour nous il n’y avait rien d’autre à faire. Et par-dessus, nous étions indignés parce que nous n’avions pas le droit de rester avec lui à l’hôpital, même quand son état était extrêmement grave et c’est pourquoi nous n’étions pas là au moment du décès.

Notre cinquième enfant est vivant et en bonne santé. Le sixième est né à terme dans une clinique. tout se passa bien pendant la grossesse et l’accouchement, mais les médecins dirent qu’elle était prématurée et elle fut transférée à Mamao et mise en couveuse. Elle mourut le lendemain. Elle pesait plus de 3 kg à la naissance et je suis sûre de l’avoir portée pendant neuf mois entiers.

Le septième enfant est vivant et en bonne santé. Le huitième est né prématurément à six mois et demi. Le neuvième, une fille, naquit à terme mais mourut à l’âge de huit mois. Ce bébé était très gros et il semble qu’il ait eu une infection de sang.

Le dixième enfant, une petite fille, est né à la mi-1985. Depuis sa naissance, elle a une infection des bronches et une affection cardiaque. On nous dit qu’elle avait un trou dans le cœur. On l’a envoyée en France pour y être opérée. Le chirurgien a dit qu’elle n’aurait besoin que d’une opération, mais peu après elle a dû retourner en France pour des examens. Elle semble aller bien maintenant.

Je me sens bien physiquement. J’ai deux sœurs qui n’ont aucun problème de santé avec leurs enfants, sauf deux prématurés morts-nés dont l’un à la suite d’une mauvaise chute. Je pense que mes enfants sont morts parce que mon mari a travaillé à Moruroa. »

Témoignage tiré de l’ouvrage: « Témoignages – Essais nucléaires français: Des Polynésiens prennent la parole » Greenpeace/Damoclès.

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